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ans le Los Angeles de 1931, Patricia Douglas ambitionne d'être une star de cinéma. Aidée par sa mère qui l'a élevée, elle auditionne ici et là, espérant de se faire connaitre. Aussi, lorsqu'elle est castée en 1937 par le célèbre studio MGM, la jeune fille y voit un rêve... qui tourne au cauchemar. En effet, il n'y a pas de tournage. Il s'agit en réalité de la convention annuelle des actionnaires du studio. Pour les "récompenser", le patron de la firme leur a organisé une "production spéciale" : une soirée orgiaque, l'alcool coule à flot et plus d'une centaines de jeunes comédiennes doivent servir d'escort à ces messieurs. En tentant de fuir, Patricia est violée. Plus tard, elle trouve le courage de porter plainte et trouve un avocat. Néanmoins, le puissant studio fait tout pour discréditer l'actrice et la trainer dans la boue...
Comme l'a prouvé avec érudition l'historien Georges Vigarello dans son ouvrage Histoire du Viol paru en 2000, il a fallu du temps pour que sa prise en compte évolue ainsi que la reconnaissance de la violence morale, celle des peurs et des menaces qui caractérisent les agressions sexuelles. Son analyse, bien que portant sur la France, peut s'élargir, hélas, à d'autres sphères. Ce qui est le cas du présent album. Halim retrace le parcours de cette actrice dont la vie fut brisée. L'auteur montre la manière dont les pontes de la MGM exercent leur pression, dans la perspective de poursuivre leurs actes comme si de rien n'était. Au passage, les lecteurs prennent en plein visage un bel exemple de l'application des stratégies de négations visant à protéger les positions de domination patriarcale, qui ont encore lieu de nos jours. Le récit est glaçant et devient de plus en plus oppressant au fur et à mesure que la cohorte des agresseurs tisse sa toile et met en branle sa contre-attaque, jusqu'à être innocentée.
Le dessinateur reprendre les codes graphiques des films de cette période. Les premières planches sont construites comme un générique, laissant croire, à tort, à une fiction, ceci afin de contribuer à créer une atmosphère malaisante au fur et à mesure de le lecture. Pour coller au mieux à l'ambiance souhaitée, l'artiste a choisi la gamme du sépia et le noir.
Sous-titré La première actrice à avoir dénoncé le système, Seule contre Hollywood est une biographie qui sort de l'oubli la vie de Patricia Douglas. Un album engagé et de son temps, qui sera apprécié par les personnes sensibles à l'égalité et aux combats afin que la peur change de camp.
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