Mon meilleur terrain

F rance, mai 2020. Le COVID s’est installé pour de bon dans le quotidien de la Nation. Peu enclin à suivre les conventions, Simon ne change pas trop ses habitudes. Il serait impensable pour lui, par exemple, de ne pas sortir afin de faire sa balade quotidienne dans le bois derrière chez lui avec ses animaux de compagnie. Et les gendarmes postés aux alentours pour s’assurer que les règles sanitaires ne sont pas enfreintes ? Ils ne sont pas très malins et Simon connaît tous les sentiers cachés. D’ailleurs, au fil de ses explorations, il est tombé sur un site mystérieux perdu au milieu de la forêt. Un peu comme des ruines, mais récentes et qui lui font penser à un parcours athlétique ou quelque chose du genre. À force de défrichage, il finit par avoir une meilleure idée de l’agencement de cette structure. Des questions demeurent néanmoins : qui en est l’instigateur ? Pourquoi est-elle aussi bien dissimulée ? Ah zut, la patrouille débarque et, évidemment, il n’a pas d’attestation et encore moins de masque…

Une histoire inspirée par la pandémie ? Non, pas vraiment finalement. Étrange projet aux ramifications multiples et assez relâchées, Mon meilleur terrain embrasse bien plus large. Un peu de technologie, pas mal de sociétal, un soupçon de spécisme et le sens de l’émerveillement, les différents éléments de cette histoire toute contemporaine surprennent, surtout que des réflexions sur l’entraide intergénérationnelle, l’acceptation des différences et du handicap sont aussi au programme. Stéphane Piatzszek semble avoir pioché au hasard une foule de sujets dans un sac et s’est ensuite efforcé de leur donner une forme narrative plus ou moins cohérente. Étonnamment, globalement l’ensemble tient la route, même si, sur la longueur, il est difficile de discerner de quoi l’auteur parle réellement. Cette incertitude généralisée est peut-être l’expression de la confusion qu’avaient généré les premiers mois du COVID. Il en ressort un album parfaitement lisible, aux tenants et aux aboutissants étranges et souvent sortis de nulle part.

Émilie Beaud illustre ce conte d’aujourd’hui avec talent. La nature, en particulier, est montrée dans toute sa splendeur. Couleurs chatoyantes, mise en scène dynamique et un sens du mouvement certain rendent les planches riches et particulièrement vivantes. Les épisodes avec la «troupe» de Simon et les «aventures» du vélo électrique s’avèrent savoureuses et pleines d’énergie. Elle offre aussi une galerie de personnages admirable d’humanité et de ressenti.

Bâti sur des prémices mal définis ou peu discernables par le lecteur, Mon meilleur terrain n’est pas désagréable, loin s’en faut. Par contre, une fois refermé, il laisse une impression incertaine sur le pourquoi et le comment de son exposition, de son développement et de sa conclusion. Ce fut une époque compliquée, certainement.