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n coup simple. Une équipe préparée, un plan travaillé. Parker en est sûr, ce braquage devrait se dérouler sans accroc. Mais si tout se passait comme il l'avait prévu, ce ne serait pas vraiment Parker...
Lorsqu'il s'agit de présenter Doug Headline, la tâche s'annonce ardue. Fils de Jean-Patrick Manchette, il a été, entre autres, animateur radio, réalisateur de documentaires, directeur de collection, éditeur (Zenda), traducteur et, bien sûr, scénariste de BD. À la fois en adaptant, en duo avec Max Cabanes, certains romans de son illustre paternel (La princesse de sang, Fatale, Nada ou Morgue Pleine) ou d'histoires originales (Midi-minuit), c'est dans ce dernier rôle qu'il revient accompagné de Kieran aux crayons. Ensemble, ils font revivre Parker, l'anti-héros de Richard Stark alias Donald E. Westlake, que Darwyn Cooke avait superbement transposé en bande dessinée (chez IDW en VO et Dargaud en France). Parker 1969, le titre de cet album, est également la première sortie d'une nouvelle collection, dédiée aux polars, sous la houlette des éditions Dupuis, (dirigée par Olivier Jalabert et... Doug Headline) : Aire Noire.
Cet opus inaugural est l'adaptation du roman The Sour lemon score (Un petit coup de vinaigre en VF), paru en... 1969. Et pour une entrée en matière, elle est plutôt réussie... à condition de se détacher des premières moutures. Côté scénario, pas de surprise ou presque. Sans rien dévoiler de l'intrigue, Parker doit déployer tout son talent de fin limier pour surmonter les divers rebondissements qui font tout le sel de cette aventure et retomber sur ses pieds. Un polar hard-boiled dans lequel préparation minutieuse, partenaires pas tous fiables, braquage, et bien sûr attente confortablement assis sur un sofa sont évidemment au rendez-vous. Mais, et c'est une nouveauté, le « meilleur dans ce qu'il fait » se montre moins implacable, moins efficace. Cette différence est d'autant plus saillante qu'elle s'accompagne aussi d'un changement dans la narration. Le début de l'album s'articule autour de nombreux récitatifs et, d'une manière plus globale, les pages muettes, si caractéristiques des tomes parus chez Dargaud, sont rares. Ce que cela apporte en terme de rythme voire de ton est atténué par un changement d'ambiance.
Graphiquement, les fans de Darwyn Cooke trouveront le travail de Kieran en-deçà de son modèle, mais le jeune dessinateur (The Golden boy, Sweet Home) s'en sort plutôt bien. Il reprend l'idée de la bichromie et s'évertue à jouer sur les noirs, l'une des marques de fabrique de la mise en dessin du Canadien. À noter que le choix de l'éditeur d'une publication en grand format n'apparaît pas forcément pertinent sous cet angle. Toutefois, si le trait est moins léché que celui de Cooke, il ne manque pas de personnalité en proposant une approche plus brute (rough diraient certains). Même si, pour celles et ceux qui connaissent les premiers albums la comparaison sera en sa défaveur, il s'approprie les codes, reste dans la continuité tout en apportant son énergie et son style.
Mi-hommage, mi-reprise, ce Parker 1969 ravira les nouveaux fans autant qu'il risque de laisser ceux de la première heure de marbre. C'est en tout cas une entrée en matière intéressante, à la fois pour la collection Aire Noire et pour les auteurs qui devraient proposer d'autres aventures du célèbre gangster.
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