Hinatsuba, celle qui maniait le sabre

J apon, à la fin de l'ère Edo. Huit années se sont écoulées depuis l'arrivée des "navires noirs". Depuis, de profondes mutations ont commencé dans le pays et elles commencent à bouleverser le quotidien de ses habitants. C'est dans ce contexte que vit Suzu, qui a embrassé la voie du sabre depuis l'enfance. Souhaitant exceller dans cet art, elle clame renoncer à sa féminité pour y arriver. C'est sans compter sur son père de sensei, qui entend bien lui prouver que les deux sont conciliables.

En onze chapitres, Koichi Masahara brosse l'évolution d'une jeune femme, en symétrie de celle de son pays. Entre culture traditionnelle et désir d'aller de l'avant, trouver son chemin n'est guère aisé. Ceci est abordé par le scénariste à la fois pour son personnage principal et pour la société japonaise, Ce dernier point est traité à travers les discussions entre Iba et le maître du Dojo, ceci afin de ne pas alourdir l'intrigue principale, qui reste celle du parcours de Suzu, tout un donnant un cadre historiquement sérieux.

N'ayant pu mettre en image la vie de Koto Nakasawa comme il le désirait au départ, le mangaka a opté pour un récit autour des femmes guerrières, dans tous les sens du terme. Fort douée pour le combat, son héroïne demeure encore indécise quant à son avenir. Les rencontres lui permettent de mûrir. Le scénariste y glisse des moments de sororité plaisants en évitant le piège du pathos au passage. Quelques chapitres bénéficient d'une trame scénaristique "dupliquée", à savoir : entrainement, tentative de séduction d'Iba, discussion avec le maître, intervention d'une autre femme puis dénouement. Alors que d'autres sont plus profonds, particulièrement ceux sur les assassinats de prostituées.

Le trait du mangaka est classique, sans fioritures et sans se démarquer du reste de l’industrie du manga. Un effort est fait sur les tenues et les coiffures pour coller à l'époque d'Edo, mais les planches manquent hélas de décors. Néanmoins, le dessinateur a su utiliser à bon escient les ombres dans les scènes de combats et d'entrainement. Sans être exceptionnel, l'ensemble est tout de même satisfaisant.

À la fin de ce one-shot, les lecteurs peuvent étancher leur soif de savoir avec un petit cahier de huit pages sur papier glacé. Tout en couleur et abondamment illustré, ce documentaire consiste un rapide panorama sur l'époque de Meiji en reprenant des points évoqués dans le manga comme les "bateaux noirs ou encore les samouraïs. Au passage, son auteur, le journaliste Christian Marmonnier propose une filmographie ainsi qu'un conseil de lecture fort judicieux : l'ouvrage de Julien Peletier Une autre histoire des samouraïs.

Avec Hinatsuba celle qui maniait le sabre, Koichi Masahara offre une belle histoire de recherche d'identité sur fond d'un pays en plein bouleversement politique et social. Un titre intéressant.