L
es ours ont pénétré dans Angleon. Tandis que ses soldats bambochent, Rinzem, installé au palais, remâche cette victoire aux relents amers. Certes, ses troupes ont investi la capitale des ennemis ancestraux, mais beaucoup en ont réchappé et leur reine vit toujours. Alors pas question qu’il félicite son fils aîné, Khalden pour avoir coulé la flotte féline. Puis, il y a ces loups rebelles en Arnor. Non contents de trucider sa fille, ils ont capturé son dernier rejeton, Genkin. Une ou deux pointes règleront l’affaire. Celle de Drun est tout indiquée ; ses hommes ont une dette à payer. Les voilà donc sur la piste des insurgés fugitifs, lesquels sont divisés sur les suites à donner à leur action.
Les ursidés ont fait une entrée fracassante à l’ouverture du troisième cycle des Cinq Terres. Tel un gigantesque marteau broyant tout sur son passage, ils ont déchainé leur force et leur fureur dans Rester vivants. Après la violence, ce quatorzième tome approfondit la toile de fond et les enjeux propres à la patrie des ours.
Le trio de scénaristes sait y faire et distille savamment des informations dont le lecteur – désormais rodé – ne doute pas qu’elles auront leur importance le moment venu. Il montre également qu’à l’instar de ce qui a été vu chez les félins et les singes, le peuple d’Arnor n’a rien de lisse ni d’uniforme. Certes, la loi du plus fort et l’appétence guerrière l’emportent dans la contrée nordique, cependant des nuances se dessinent au travers de dialogues toujours bien aussi écrits. Par ailleurs, les personnages s’étoffent et prennent davantage d’espace sur scène, notamment Rinzem et Khalden dont la relation est éclairée par quelques confidences. Du côté de la pointe de Drun, la diversité des profils s’affirme également. L’unité combattante sert aussi à mettre en avant la rivalité avec d’autres groupes. Quant aux loups, ils offrent un aperçu du système d’asservissement d’autres espèces par les ursidés et des discriminations qu’ils subissent, - le pisteur Volk faisant, à cet égard, figure d’exception. Les velléités des rebelles canidés soulignent, en parallèle, la difficulté de tirer partie d’une action d’éclat isolée.
Jérôme Lereculey, au dessin, et Dimitris Martinos, aux couleurs, offrent des nouvelles pages réussies. Outre une impressionnante galerie de figures toutes bien caractérisées, expressives et d’une variété qui reste bluffante au fil des cycles, la promenade à travers les paysages montagneux d’Arnor en dit long sur la rudesse de ce territoire d’où émergent çà et là des cahutes misérables. La nature l’emporte, sur terre comme sur mer ; l’agencement urbain policé d’Alysandra en Lys ou d’Angleon sont bien loin. La chaleur de la première également, car l’ambiance est, ici, à la pluie et à un temps moins clément. Cela se ressent dans des choix de teintes plus ternes, en accord avec la vie d’une soldatesque constamment en mouvement. En plus d’un cliffhanger titillant la curiosité, l’album se clôt sur une passionnante double page narrant comment les tigres ont su s’imposer aux quatre autres terres.
Alors que le mitan de cette vaste saga accrocheuse approche, Juste des ennemis en maintient une nouvelle fois la qualité et garantit une bonne dose de plaisir au bédéphile. Que demander de plus ? La suite !
Tout ce qui m’avait manqué dans le précédent tome revient en force dans ce 14ème chapitre. Il y flotte enfin ce doux parfum de manigance qui fait tout l’intérêt des 5 Terres.
L’enchainement de combats bourrins qui avait entamé le 3ème cycle, laisse ici place à des dialogues subtils qui permettent aux personnages de révéler leur profondeur, leurs failles et leurs histoires personnelles.
Fruit d’une écriture fluide, cette dimension psychologique est amenée tout naturellement dans le fil de l’histoire, sans forcer le trait et sans nuire à l’action.
En prenant de l’épaisseur, chaque acteur peut potentiellement devenir essentiel à un scenario qui se complexifie peu à peu. De nouveaux enjeux émergent et l’on devine déjà que destin des Ours est plus fragile qu’il n’y parait et peut basculer à tout moment.
Cet excellent récit est servi par un dessin époustouflant. Jérôme Lereculey aura rarement mis autant de richesse et de densité dans son trait. Les paysages d’Arnor sont absolument magnifiques, les décors et ambiances de pluie aussi. Mais c’est surtout au niveau du chara-design que le talent de l’artiste s’exprime : les expressions des visages, les costumes, les accessoires, sont tous incroyables. Alors même que des dizaines de personnages sont en scène, le lecteur n’est jamais perdu et vit les évènements au plus près, grâce à des cadrages et des mouvements ultra efficaces. Une véritable prouesse graphique.
Si l’on rajoute le retour des annexes, dont j’avais déploré l’absence à l’épisode précédent, on obtient un tome flamboyant qui lance le monde d’Arnor au cœur de la saga 5 Terres.
Série toujours aussi prenante; Scénario excellent, dessins sublimes. Bref, on ne peut que conseiller de l'acheter. Vivement le tome 15
C'est déjà le 14ème tome de l'une de mes séries préférées que je suis assez scrupuleusement. Certes, je ne suis plus du tout adepte de ces séries à rallonge sauf quand la qualité demeure et que le rythme de parution est rapide. Cela constitue sans doute l'exception dans le paysage de la BD actuelle.
Malgré une victoire navale remportée par les ours, les félins n'ont pas encore dit leur dernier mot. Par ailleurs, il y aura fort à faire avec les serviteurs loups entrés en rébellion qui ont enlevé le fils cadet du roi profitant de l'absence des guerriers ours.
Bref, les ours n'ont pas obtenu ce qu'ils voulaient à Angléon et jamais une bataille gagnée n'a laissé un goût aussi amer surtout en l'absence de l'armée des félins qui s'est volatilisée. Certes, il y avait les civils restés sur place qui ont tous été massacré par des ours en colère. Mais bon, pour eux, c'était juste des ennemis ! D'où le sous titre de ce tome qui rappelle les affres de la guerre.
Les expressions des personnages et leurs regards sont toujours aussi bien dessinés. Le trait du dessin demeure d’une précision et d’une clarté assez impressionnante. J'aime bien également cette multiplication des points de vue et des contre-plongées sans compter sur les plans divers dans un agencement parfaitement maîtrisés. Par ailleurs, la colorisation rend cette lecture des plus plaisantes. Bref, tout y est !
Je n'aurai qu'une seule recommandation à formuler : laissez-vous vibrer au rythme de ce récit si prenant !
Toujours illustré par un dessin de très haut niveau, ce quatorzième tome est une fois de plus un régal à lire. L'histoire est celle d'une traque dont l'issue ne fait guère de doute, ce qui fait qu'il n'y a pas beaucoup de suspense. Du coup, on en profite pour faire plus ample connaissance avec les principaux personnages de ce troisième cycle, découvrir quels liens les unissent, mieux comprendre leurs personnalités. C'est en cela que j'ai trouvé cet album passionnant.
Sans compter un très bon cliffhanger en dernière page, comme la série nous en a donné l'habitude depuis quasiment le tout premier album. J'attends déjà la suite avec impatience.