Yon 1. Tome 1

C ouloirs et escaliers bruissent des voix de dizaines d’adolescentes qui s’échangent les derniers potins. Dans leur internat disciplinaire perdu au milieu d’un désert de pierres, certaines ont su s’imposer, comme Dan, jamais avare d’une humiliation, ou Solweig qui joue de ses poings pour redresser les torts. Margot, elle, préfère la solitude. Son regard morne repousse toute tentative d’approche. Qu’importe. Son truc, c’est d’explorer le bâtiment abandonné qui jouxte leur établissement. La lycéenne est justement occupée dans ce dédale quand retentit une sirène d’alarme. Le « Phénomène » arrive, synonyme de mort. Face à ce péril, les pensionnaires évacuent. Malheureusement, Margot n’a pas le temps de les rejoindre. Prise au piège dans l’enceinte, elle sait que le décompte des jours pour sa survie a commencé. Elle s’aperçoit alors qu’Olga, la fille du directeur, est encore là ; d’autres condisciples aussi.

Déjà forte du remarquable Rivages lointains, la jeune collection Combo des éditions Dargaud s’enrichit d’une nouvelle série digne d'intérêt. Prévue en quatre tomes, Yon est un manga francophone signé par Camille (Méhu) Broutin qui officie ici comme autrice complète, après avoir dévoilé ses talents de dessinatrice dans Filles uniques, en collaboration avec le duo Beka. Sa patte artistique, aux influences diverses, se reconnaît d’emblée dans ce premier volume. Se mariant parfaitement au noir et blanc, le traitement graphique reprend d’ailleurs avantageusement les codes des productions nippones. Expressivité, jeux de regards, découpage adroit des séquences et angles de vue assez variés assurent l’immersion dans un récit aux accents sombres et fantastiques.

Le postulat d’un groupe d’adolescents forcés de surnager en milieu hostile n’est certes pas neuf. Toutefois, Camille Broutin parvient, dès les premières pages, à captiver le lecteur et à maintenir son attention tout au long de l’album, grâce à une narration maitrisée. Les présentations s’avèrent classiques, mais efficaces, donnant la tonalité des personnages et des lieux, certaines figures se démarquant déjà de l’ensemble. Pour autant, l’autrice en dit relativement peu sur les jeunes filles et sur les raisons qui les ont amenées dans ce pensionnat. Elle montre en revanche qu’à l’instar de toute collectivité, la cohabitation ne se fait pas sans conflit, ni heurts ou mesquineries. Dans ce qui ressemble au quotidien d’un bahut presque banal, l’irruption du mystérieux « Phénomène » et de ses billes destructives résonne comme un coup de tonnerre. Quelques informations sont distillées, permettant de saisir la mesure du danger et les enjeux. Très vite, les voix sont partagées sur la conduite à tenir et la suite des événements laisse entrevoir des points d’achoppement futurs.

Bien mené et accrocheur, ce premier volet de Yon ouvre une nouvelle série prometteuse. Rendez-vous est pris avec le prochain tome prévu pour septembre 2025.