C
aroline est ce qu'on appelle une femme d'âge moyen. Elle approche de la cinquantaine et son cortège de petits désagréments liés à la périménopause : des kilos en plus, des rides qui s'invitent de manière un peu trop précoce, des lunettes devenues indispensables, des hormones jouant à je t'aime, moi non plus. Quant à la crédibilité sociale, elle fond comme neige au soleil.
Devenue quantité négligeable, elle perd son emploi. Que vous reste-t-il comme espoir lorsque la société vous considère déjà comme périmée, même dotée d'une licence en psycho ? Elle échoue sur les trottoirs, à essayer de faire remplir des enquêtes d'opinion aux passants qui feignent de ne pas la voir. Il y a largement de quoi déprimer. Lassée de cette existence médiocre, elle décide de tenter le tout pour le tout. Elle force un rendez-vous avec le patron de l'agence de détectives privés Dulac. Elle se révèle particulièrement convaincante. Elle se sait futée et observatrice. Elle possède surtout un super-pouvoir essentiel pour ce genre de travail : l'invisibilité. Qui prête attention à une personne comme elle ? Personne. Elle est bien placée pour le savoir.
Pour entamer cette nouvelle vie, elle reprend son vrai prénom, qu'elle n'aimait pas. Voici Marcie Bangor, La nouvelle enquêtrice. Sa première affaire est assez banale: elle traque un gang de voleurs de chiens en arpentant les rues de Paris. C'est un début, le temps de faire ses preuves. Et voilà que sa première grosse affaire lui tombe dessus... littéralement. Une étudiante américaine chute par la fenêtre de son appartement. Accident ? Meurtre ? Suicide ? La jeune fille ne se souvient de rien. Ses parents engagent Marcie pour faire toute la lumière sur l'affaire. Entre New York et Paris, accompagnée de sa fille Emma, elle se met en chasse.
Après le gang de quarantenaires de Pisse-Mémé, Cathy Baur choisit cette fois une héroïne dans la décennie suivante, cette période étrange qui marque souvent la disparition de la sphère publique. Trop jeune ou pas assez vieille, celles qui ont la malchance de tomber dans cet âge risquent d'y sombrer, corps et âme. Restant fidèle à son style coloré et dynamique, l'autrice suisse signe un récit dans la mouvance du cosy crime, tout en abordant des thèmes comme la relation mère-fille et l'estime de soi. En effet, cette aventure sert surtout de prétexte pour que son personnage principal reprenne confiance en elle et reconquière sa place dans le monde.
L'ensemble est forcément optimiste et aussi joyeux que le permet l'intrigue. Aucune violence, ni ambiance morbide ne viennent assombrir le tableau. Le récit navigue plutôt dans une ambiance positive et enjouée, s'amusant des codes du genre et glissant quelques piques à la société actuelle. Gentiment féministe et anti-âgiste, Marcie se veut un album réconfortant, distillant un tout petit peu de frissons (niveau Scooby-Doo ou Arabesque) et de la bonne humeur. Sans rien révolutionner, mais ce n'est pas le but, ce Point de bascule semble servir d'introduction à une série. Pourquoi pas ? Les personnages sont sympathiques et un peu de légèreté ne peut pas faire de mal.
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