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n soir en Drévosévie, d’étranges créatures profitent d'une fête pour s’infiltrer dans un village et en massacrer les habitants. Une partie réussit à en réchapper, abandonnant les survivants. Le seigneur du domaine fait alors construire une muraille autour de la zone pour contenir le fléau, considérant désormais ceux qui vivent à l’intérieur comme des pestiférés. Parmi eux, le prince Ivan s’est donné pour mission de protéger son peuple avec sa garde. Dix ans s'écoulent… Un inconnu parvient à s'introduire mais il est capturé. Ivan n'arrive à pas à se défaire de sa méfiance, même si l'individu prétend venir en émissaire de la paix. Plus le temps passe, plus son influence semble s’étendre, plus le prince est troublé…
Premier tome d'une série de fantasy, Semailles se révèle particulièrement intriguant. Le récit trouve ses racines dans de multiples sources historiques, littéraires et religieuses (la Ruthénie, un ancien État du XIe siècle qui recouvrait en partie l’actuelle Ukraine). Si l'album prend le temps de se mettre en place, il explore par la suite la psychologie des personnages avant d'implanter le vif du sujet à savoir le cheminement existentiel d'un individu lorsqu’il doit faire face au discrédit, à l’isolement et aux critiques de ses pairs. Elk construit progressivement une atmosphère dense et tendue autour de ses deux principaux héros dont la relation est teintée d’ambigüité, entre haine et fascination. Et même le fil de l'histoire ne laisse planer aucun doute, la question qui brule les lèvres est : et après ? Le tout est finement écrit avec un adroit enchevêtrement de sous-intrigues qui rend la lecture captivante. Chapitré et entrecoupé de planches de textes poétiques avec de jolies enluminures, l'auteur s'inspire du médiéval fantastique et des cultures slaves.
En tant qu'artiste complet issu du monde des jeux, Elk démontre une grande maîtrise du dessin pour sa première bande dessinée. L'univers graphique qui se découvre se révèle bien joli, le trait est rond proche de l'animation ( «Je suis très friand des deux périodes d’or de Disney, tout particulièrement Bambi, La Belle au bois dormant et Le Bossu de Notre-Dame » dit-il), avec des décors travaillés et un vrai soin porté aux détails et aux cadrages. Associés aux couleurs très douces et lumineuses tout en camaïeux de différents tons suivant les ambiances, la lecture est un vrai plaisir pour les yeux. Le contraste entre le coté sombre du scénario et l'aspect soyeux du graphisme apporte une plus-value à l'ouvrage.
Les chants du chaos ou la chute annoncée d'un homme amorcée avec grand art, cette trilogie s’annonce de qualité et prometteuse, particulièrement au regard du rebondissement de fin.
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