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utur lointain, quelque part dans la zone. Convoyeur de déchet, ce n’est pas grand-chose, mais c’est un job et tout le monde n’en a pas. Charger les containers, les amener à la décharge et revenir au point de départ, pas besoin de devoir se creuser la nénette et ça permet de sortir de la ville. Évidemment, quand la navette se crashe au milieu du trajet, cette routine se transforme brusquement en un pèlerinage sans espoir ou un long calvaire, comme vous voulez. De toute façon, pour ce que ça change à la fin...
Fable post-apocalyptique et questionnement existentiel, L’Arpenteur est un énigmatique ouvrage piochant autant dans les ambiances des premières années de Métal Hurlant que dans le manga, le tout sous l’imprimatur de William Shakespeare. Le héros imaginé par Viktor Hachmang erre à travers un territoire décharné. Au fil des saisons et des kilomètres, son esprit se met à divaguer. Réminiscences du passé, hallucinations, il continue néanmoins à avancer. Vers où ? La cité et son domicile, existent-ils seulement encore ? Les personnages du Barde qui l’accompagnent parfois ne sont pas très diserts à ce propos.
Récit allégorique ouvert à toutes les interprétations, il se dégage une véritable force de l’album. Pratiquement plus artiste ou graphiste qu’auteur de bande dessinée per se, Hachmang multiplie les audaces sous la forme de séquences ou de compositions oscillant entre l’hommage (Katsuhiro Otomo et Moebius viennent immédiatement à l’esprit) et la symbolique pure. L’ensemble est rythmé par le long monologue de ce voyageur perdu entre le sens du devoir et la folie. Ici et là, quelques citations de La Tempête apportent d’autres pistes de solutions potentielles à ce scénario teinté de désespoir et de regrets.
Fantastique et fantasmagorique, tout en restant très concret avec de nombreux renvois à des considérations actuelles (l’environnement, la pollution, la place de l’humain, etc.), L’Arpenteur, à l’image de Saccage de Frédérik Peeters, est une œuvre qui demande une pleine attention pour révéler tous ses secrets. Plus globalement, il s’agit aussi d’une proposition visuelle de tout premier ordre que les amateurs de dessin pur (ou de science fiction) ne devraient pas laisser passer.
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