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ors d'une veillée dans un camp de vacances, les moniteurs cherchent à effrayer les ados avec la prétendue légende d'un tueur vêtu d'un ciré jaune, armé d'une machette et portant une biche sur l'épaule. Il aurait sévi des années auparavant sur les lieux où ils se trouvent. Restée à l'écart du groupe, Lucie se retrouve moquée puis agressée par d'autres adolescents. Plus tard, elle assiste à une scène qu'elle n'aurait jamais dû voir. C'est là que le drame débute...
Annoncé en grande pompe lors des éditions 2024 du FIBD et de la Japan Expo, le nouveau titre du label 619 sort au moment d'Halloween. Le timing est bien orchestré afin de remettre au goût du jour le sous-genre de l'épouvante qu'est le slasher, dont le principe consiste en une série de meurtres (plus ou moins gore) perpétrés par un tueur psychopathe. Souvent, ce dernier est masqué, pour dissimuler une difformité physique. Le cinéma hollywoodien en a produit qui sont devenus des références, tel les premiers opus d'Halloween, de Vendredi 13 ou encore Scream. Le cinéma français et plus particulièrement les Nuls avec La cité de la peur enn ont proposé une parodie sincère.
Ces films ont peu à peu laissé place à des longs métrages plus sanguinolents et violents à la fin des années 2000. La bande dessinée a suivi une chronologie presque similaire. Aussi, lorsque le label 619 a présenté une mini-série en trois tomes, inspirée d'un genre tombé dans l'oubli visuel, le risque du flop aurait pu être grand. Cela est sans compter sur le duo d'auteurs qui a réussi le pari de rester fidèle à ce qui fait le sel de ce type de récit horrifique, tout en le dépoussiérant afin de le faire coïncider avec l'évolution des goûts du lectorat.
Pour ce faire, Run, le papa de Métafukaz, se colle au scénario. Il parvient à reprendre plusieurs thèmes forts et connus, tels le camp de vacances qui tourne mal, la bêtise adolescente et la vengeance. Néanmoins, il s'éloigne des poncifs en optant pour un autre angle d'attaque. C'est l'hypocrisie des jeunes adultes encadrants qui lance un harcèlement tournant au drame. L'emballement médiatique - et sa course au scoop et aux breaking news - est aussi dénoncé dans toute son idiotie et dans son voyeurisme le plus obscène. Enfin, il incorpore l'idée que le monstre n'est pas forcément celui qui est différent. Alliant ainsi des éléments familiers du cinéma d'horreur et d'autres plus contemporains, Run propose une intrigue plus travaillée et appréciable à lire.
Ce dernier point est aussi visible dans la partie graphique assurée par Rours. En effet, le dessinateur opte pour un trait assez proche de la bande dessinée japonaise. D'ailleurs, l'éditeur a organisé la série de cette manière avec quelques planches en couleurs au début de chaque chapitre, avant de passer au noir et blanc. Le côté manga est aussi présent dans le format utilisé. L'artiste reprend des choix de cadrages proches de ceux du septième art, donnant un aspect spectaculaire à de nombreuses scènes. Il parvient à insuffler beaucoup de dynamisme, pour ne donner aucun temps mort aux bédéphiles, tout en accumulant... des morts. Rours utilise intelligemment les jeux d'ombres dans les décors, qui bénéficient d'un soin appréciable.
Jaune s'inscrit dans la pure tradition du slasher, avec un rythme soutenu et un dessin plaisant, qui font le bonheur des amateurs du genre.
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