M
er Égée, deuxième millénaire avant J.-C. Barsabas accoste à Théra (Santorin) après une longue absence. Ses anciens amis le reconnaissent immédiatement, ses ennemis aussi. Ida, son ancienne amante est devenue une des dirigeantes de l’île, mais les temps changent. Le régime matriarcal minoen en place depuis toujours est menacé par les Athéniens pour qui le pouvoir est un attribut réservé aux hommes. La lutte qui sévit entre les tenants de la tradition et ceux encourageant le changement s’avère terrible et sans pitié. Cependant, ce que tout le monde ne sait pas, c’est que les Dieux en ont décidé autrement et que le magma monte lentement et inexorablement à travers les entrailles de la terre…
La mythologie est à la mode. Revisiter et moderniser ces contes fondateurs, les mettre en perspectives et, dans le cas présent, les actualiser grâce aux dernières trouvailles archéologiques, Civilisations est un projet ambitieux qui se déploiera sur trois albums indépendants reliés par un mystérieux fil rouge. Avant l’Égypte et Rome, c’est en Grèce antique que Simona Mogavino entraîne le lecteur. La scénariste a pioché au sein de récits héroïques bien connus et les a intégrés dans une narration épique et, cela va sans dire, tragique. Le Minotaure, Dédale, Pasiphaé, Minos et quelques autres revivent à l’intérieur d’un cadre culturel ré-imaginé et le plus réaliste possible. D’un côté les légendes, de l’autre une recréation qui se veut historiquement plausible, avec, au milieu, un thriller politique sanglant, rempli d’émotion pure et de sentiments exacerbés.
Péplum, vous avez dit péplum ? Oui, d’un certain côté. Par contre, un peu comme Murena de Jean Dufaux et du regretté Philippe Delaby, l'aspect carton pâte habituellement associé à ce genre un peu désuet est heureusement totalement absent de Civilisations. La mise en scène et la dramaturgie, très énergiques, sont bel et bien d’aujourd’hui. Carlos Gomez offre des planches à grand spectacle, remplies de détails et grouillantes de vie. Le résultat d’ensemble est véritablement impressionnant. Ressenti maximum, décors et costumes magnifiquement dépeints, le dessinateur et les coloristes (Lorenzo Pieri et Luca Saponti) font réellement revivre ces îles mythiques.
Évidemment, rien n’est gratuit dans ce bas monde et un minimum d’effort et de temps sont nécessaires pour profiter pleinement des qualités de cet album plus grand que nature. Distribution pléthorique, situations, intrigues et psychologies entremêlées, les cent vingt pages sont denses, parfois un peu trop. Un conseil, n’oubliez pas de faire quelques pauses entre deux séquences.
Sérieux, extraordinairement écrit et illustré, Civilisations Crète démontre une fois de plus la force évocatrice des mythes originaux. Intelligemment remise au goût du jour et dotée d’une reconstitution visuelle de très haute tenue, cette nouvelle série historique pourrait déjà être un classique qui s’ignore. Vivement le deuxième tome !
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