À Kings Hill, les évènements mystérieux sont monnaie courante. Pendant des années, Friday Fitzhugh et Lancelot Jones ont fait de leur résolution une spécialité. En cavaliers seuls ou en soutien au shérif Bixby, les deux adolescents ont longtemps formé un tandem de choc auquel aucune affaire ne résiste. Seulement, depuis le départ de Friday pour la fac et alors qu’ils se sont mutuellement avoués leurs sentiments, les choses ne sont plus tout à fait comme avant. Mais au début des vacances de Noël, ils sont de nouveau réunis pour une énième enquête. Cette nuit-là, le froid est glacial, le blizzard s’abat sur la ville. Cette nuit-là, tout bascule lorsque Lance trouve la mort. Friday se retrouve embarquée dans le dossier le plus important qu’elle a à traiter : élucider le meurtre de son ami. Cette fois, elle doit se débrouiller toute seule.
Dans le premier tome de Friday, Ed Brubaker installait son nouveau polar, bien moins violent et stéréotypé (rien de péjoratif) que la plupart de ses précédentes œuvres. Il y introduisait un duo efficace, assez proche d’une version ado de Sherlock Holmes et du Dr Watson : d’un côté, un jeune garçon surdoué qu’aucune difficulté n’arrête ; de l’autre, une fille qui l’aide autant que possible, fait office de garde du corps et ressemble principalement à un faire-valoir. L’entame était assez classique mais se concluait sur un renversement des rôles, Friday devenant – comme le titre pouvait le laisser prévoir – véritablement le personnage principal. Dans le second opus, tous les fils de l’intrigue étaient déployés tandis que l’héroïne tentait de comprendre les évènements, alimentée par les indices abandonnés par son ancien partenaire. La dimension fantastique, qui n’était jamais bien loin, s’affirmait avec la découverte d’une société secrète et l’apparition de monstres effroyables. À l’aube de ce troisième tome, le bédéphile était donc admirablement tenu en haleine. Ce final tient, au bout du compte, toutes ses promesses.
D’une certaine manière, l’histoire reprend depuis le début puisque Friday découvre les propriétés d’une montre capable de remonter le temps. Le concept employé est ici identique à celui du retourneur de temps (Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban), auquel les aficionados de J. K. Rowling peuvent immédiatement penser. Versions future et passée d’un même protagoniste cohabitent et une question se pose alors : est-il possible de changer le cours des évènements ? Ce n’est, d’ailleurs, pas la seule similitude avec des univers connus. Une pointe de Stephen King, un petit côté Dark, une époque et un casting pouvant faire penser à Stranger things… Ed Brubaker a soigneusement digéré toutes ces influences. La lecture ne sent pas le réchauffé pour autant et les twists et surprises sont savamment dosés. Une bonne louche d’action vient par ailleurs rehausser l’ensemble. C’est, sans doute, dans cet exercice que le talent de Marcos Martín s’exprime le plus. Le dessinateur insuffle un rythme mené tambour battant, tout en accordant un grand soin aux décors, toujours bien développés. Avec ses couleurs d’une redoutable justesse, Vicente Muntsa apporte la touche finale pour créer une atmosphère immersive.
Conclusion de très bonne facture, ce troisième tome apporte les réponses espérées et confirme que Friday est une série tout à fait recommandable.
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