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a vie, les idées et la fin tragique de Léon Trotsky (1879 – 1940) sont bien connues des historiens et des apprentis révolutionnaires. Sans compter que quatre-vingt ans après sa disparition, lui et ses travaux continuent d’être régulièrement cités et intellectualisés par une partie de l’extrême gauche. À l’image de Che Guerava, il est devenu une icône de la lutte prolétarienne d’autant plus facile à brandir que plus grand monde n’a réellement lu ses écrits ou ne connaît véritablement sa pensée. Cependant, ce n’est pas cette figure majeure du bolchevisme qui a soulevé l’intérêt de Partice Perna.
Amateur et spécialiste des «seconds couteaux» oubliés de l’Histoire avec des titres comme Kersten ou Darnand, le scénariste a préféré se pencher sur Ramón Mercader, l’assassin de Trotsky sur ordre de Moscou. En se basant sur la biographie de cet agent du NKVD, il a imaginé et reconstitué le contexte et la préparation de ce crime politique majeur du XXe siècle. À noter que, sur exactement le même sujet, Gani Jakupi avait proposé en 2010, Les amants de Sylvia, un album raconté du point de vue de Sylvia Ageloff, la femme que Mercander avait séduite afin de pouvoir intégrer le cercle rapproché de Trotsky. Au-delà de leur finalité funeste commune, les deux récits sont néanmoins très différents, tant par la manière que sur le fond et se complètent parfaitement. Avis aux amateurs de littérature comparée.
Mercander, l’assassin de Trotsky démarre comme un polar classique en 1978, à Prague. Un homme est défenestré et s’écrase cinq étages plus bas. Appelé sur les lieux, Pavel Dvorak, un inspecteur tchèque, découvre rapidement que derrière la victime, un certain Ramon Ivanovitch, un citoyen russe, se cache en fait un mystérieux personnage aux identités multiples ayant trempé dans des affaires politiques louches. Il décide de creuser un peu, ce qui lui vaut d'être immédiatement coursé par le KGB, à moins qu’il s’agisse de la CIA, qui sait ? Les choses s’éclaircissent un peu quand Dovrak tombe sur un manuscrit autobiographique dans lequel Ivanovitch narre son histoire. Débute alors une série de retours en arrière où le policier et le lecteur apprendront les dessous de «l’opération Canard», nom de code de la liquidation du grand rival de Staline.
Les faits établis sont là, détaillés et plus ou moins habilement reliés par une intrigue policière de circonstance. Stéphane Bervas les illustre avec une précision sèche et une froideur certaine. Les différents éléments (décors, costume) sont en place, mais peinent à convaincre, tant le rendu général sonne faux. Les couleurs plombantes et sans contrastes de Christian Lerolle n’aident en rien. Résultat ; quels que soient l’époque ou les lieux, il règne sur ces planches une atmosphère éteinte et un peu artificielle. Certes, les informations passent, mais quel manque drastique de ressenti.
Pas la bonne distance avec le propos ? Une esthétique sans charme et un développement dramatique décevant ? Ce premier volume de Mercander, l’assassin de Trotsky se laisse lire, pas plus. Suite et fin dans le tome deux.
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