La vie est une jungle.
L’homme est un loup pour l’homme.
La raison du plus fort est la meilleure.
Parle à mon cul, ma tête est malade...
Oui... mais si on danse ?
Entre deux adaptations de textes littéraires (L’armée des ombres, L’assommoir), Emmanuel Moynot continue d'enrichir une œuvre personnelle avec des récits âpres ou drôles, ayant en commun une vision sombre de l’Humanité. D’un côté, des romans noirs classiques (Cherchez Charlie, No direction, L’original), de l’autre des variations plus ou moins humoristiques, voire philosophiques (La philosophie dans la savane, L’Humanité de mes couilles). À force de cogiter et d’approfondir ses préoccupations favorites, il est normal que l’auteur finisse par les faire se rencontrer. La suprématie des Underbaboons était donc inévitable. Tant mieux.
Histoire méticuleusement déconstruite façon puzzle, nourrie à l’adrénaline et aux derniers résultats de la recherche éthologique sur les primates, cette fable d’aujourd’hui ne serait rien sans l’apport de la bêtise humaine (pour rester poli) et l’aliénation généralisée du monde occidental (une pensée spéciale pour les USA, pays sans qui l’absurdité des temps modernes ne serait rien). Mais de quoi ça cause ? De tarés divers qui dégainent à tout va, d’agents du FBI qui leur courent après, d’un peu de technologie dépravée et, actualité oblige, de politiques décomplexées. Une valse à mille temps menée par une farandole de sociopathes qui, les pages défilant, donnent toujours plus de poids aux conclusions des biologistes (les références des articles scientifiques sont citées).
Quarante ans après ses débuts, Moynot a conservé toute sa rage et son originalité. De plus, ce qui pourrait passer pour une simple répétition de motifs déjà vus se révèle, en fait, être un condensé explosif et renouvelé, tant sur le fond que la forme. Des tueurs et des salauds, il y en a toujours eu, des policiers derrière eux aussi. Ils se sont simplement adaptés, sans rien perdre de leur férocité, malheureusement. Autre signe que les temps changent, les stéréotypes se sont également féminisés et l’égalité des sexes chez les méchants et les gentils est respectée. Que demander de plus ? Un peu d’espoir peut-être… Hahaha, que vous êtes naïfs.
Totalement abouti et particulièrement jouissif (ou déprimant, suivant sa sensibilité), La suprématie des Underbaboons est une lecture «dans ta gueule» que devraient apprécier tous les amateurs de thriller contemporain et de post-vérité antidatée.
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