G
otham, ville de tous les crimes. Il y en a tellement qui sont commis à chaque instant, que James Gordon est particulièrement agacé de perdre son temps avec cette affaire-ci. Forcé de mobiliser un grand nombre de ses hommes du GCPD (Gotham City Police Departement), il s’installe pour la soirée dans le manoir de M. Claridge. Un mystérieux individu a annoncé sa mort à la radio ce soir, à minuit pile. Rien qu’un môme de douze ans qui fait un canular, pense le commissaire. Mais lorsque l’heure vient, Claridge tombe au sol, crachant du sang. Son dernier soupir laisse place à un immuable sourire. Gordon l’a compris, il fait face à un redoutable criminel…
Le duo Tom King (scénario) / Mitch Gerads (dessin) est bien connu des amateurs de comics. Généralement, l’association entre les deux auteurs fait mouche à l’image de Sheriff of Babylon, Mister Miracle ou encore, plus récemment, Batman One bad : Le Sphinx. Pour leur nouvelle incursion commune dans le Bat-verse, c’est le personnage du Joker qui est à l’honneur. Dans cette – énième diront certains – histoire qui voit les premiers pas de Bruce Wayne dans son costume du chevalier noir, celui qui deviendra l’un de ses adversaires les plus coriaces, son alter ego maléfique, émerge sur la scène criminelle. L’intrigue n’est pas très originale et un sentiment de déjà-lu (ou vu) se ressent puisque certains concepts déjà éprouvés (mais aussi un peu usés) se retrouvent. La lecture n’en demeure pas moins passionnante. Car King fait une nouvelle fois la démonstration de son statut de maître du suspense et de la tension en tirant le fil de son polar. Surtout, il déambule allègrement dans le labyrinthe que constitue la psychologie tourmentée du super-vilain, accordant une place astucieuse à l’expression de ses pensées. Le tandem Batman / Gordon est également appréhendé sous un angle intéressant. Plutôt en retrait, l’homme chauve-souris laisse apparaître une certaine violence et des difficultés à cerner son rôle vis-à-vis de l’idéal de justice auquel il entend prendre part.
L’autre gros atout de ce récit réside dans les planches de Mitch Gerads. La lecture vaut le coup, ne serait-ce que pour en prendre plein les mirettes. L’artiste américain propose assurément l’une des versions graphiques du personnage-titre les plus réussies de ces dernières années. Un côté fou à lier (dans la veine de ce que proposait Greg Capullo) doublé d'un aspect fantomatique. Terrifiant : voilà comment est croqué le Joker dans cette mini-série traversée par une noirceur pesante.
Récit incontournable ? Peut-être pas. Mais Joker : The winning card a sa place dans le haut du panier des sorties de superhéros de l’année.
Lire la preview.
La sortie de films DC et Marvel entraine toujours une étrange danse de publications plus ou moins liées à un plan com’ devant soutenir le métrage. Joker: folie à deux et la production de The Batman 2 voient ainsi s’associer une commande au magnifique duo King/Gerads qui n’a produit jusqu’ici que de très grandes BD. Avec une petite centaine de page, ce nouveau one-shot sur le Joker se situant à l’époque des débuts de Batman n’a guère le temps de développer une intrigue intéressante (que d’autres histoires comme White Knight ou The killer smile réussissaient parfaitement) mais se concentre sur une mise en scène aux petits oignons en forme d’exercice de style sur un mode parfaitement rodé du duo.
Reprenant le classique gaufrier coutumier de Mitch Gerads, le volume voit Batman lancé à la poursuite d’un serial killer inaccessible qui semble cibler des notables de Gotham, que l’on voit terrifiés face à des policiers (et un Jim Gordon) surs de leur force protectrice. En vain… Cette version du Joker, plutôt terrifiante, est la version croque-mitaine de la nemesis de Batman, que l’on peut rapprocher de l’acmé de la terreur qu’il incarnait dans Le deuil de la famille, peut-être le meilleur album de Batman paru jusqu’ici. Invisible, métamorphe, increvable, le clown est ici un fantôme quasi-fantastique capable de frapper n’importe où et n’importe qui, jusqu’à mettre le chevalier noir dans un état critique. On pourra simplement reprocher aux auteurs de ne pas faire l’effort de jouer sur l’aspect psychologique permettant d’expliquer ces facultés hors norme et de se contenter de cet état de fait.
Pour le reste, avec la place dont ils disposent, Gerads et King installent un étonnant duo entre un Bruce Wayne assez creux et un chef de gang dont la gouaille détonne et prend la lumière, sans que l’on sache trop à qui on a affaire. Comme dit plus haut, toute l’énergie créative est mise sur un découpage et des interventions du joker qui jouent sur d’élégants cartons de cinéma muet comme s’ils invoquaient l’expressionnisme des années 1920, alternant images violentes et blagues du criminel. Visuellement cette petite expérience est magnifique et peut se justifier en tant que tel. Sans l’ambition de vouloir détrôner les chefs d’œuvres autour du Joker, les auteurs se font simplement plaisir avec cet exercice luxueux qui ne marquera ni l’univers de Batman ni votre vision du clown de Gotham mais se savoure simplement pour ce qu’il est, une belle pièce one-shot sur l’un des plus riches méchants de la création séquentielle d’un des plus intéressants duo de l’industrie comics.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2024/10/02/joker-the-winning-card/
Esthétiquement c'est le Joker le plus terrifiant que j'ai pu voir. L'ironie à son paroxysme, intelligent comme à son habitude et encore plus violent. Faut voir ce dont est capable ce psychopathe ! Même pour un lecteur régulier de "Batman", j'ai été stupéfait sur certaines cases.
Le dessin est exquis, les images sont rudes mais le découpage à l'instar du scénario reste malheureusement assez basique. Bien trop de censures dans les dialogues et quelques blagues qui tombent à l'eau .
Bien évidemment, comme tout bon comics sur le Joker, sa similarité plus que sa dualité avec Batman, est mise au premier plan.
Bon album, ne serait-ce que pour le nouveau coup de crayon sur le Joker, mais pas indispensable .