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epuis la grande nuit, le chaos règne sur New York. La mégalopole est dominée par des bêtes à têtes de pieuvres et des zombies parcourent les rues. Au cœur du tumulte, Yog-Sothoth, une divinité malsaine. Dans cette ultime livraison de Créatures, le Taré, la Taupe, Chief, la Crado, Vanille et Minus franchissent une barrière spatiotemporelle. Le vieillard et les gamins se rendent à Providence, en 1928, pour rencontrer Howard Phillips Lovecraft, le célèbre auteur de romans fantastiques dont les fictions pourraient être la cause de tous les maux affligeant la métropole.
Initialement prévue en cinq tranches, la série n’en comptera que quatre. Cela dit, avec ses soixante-dix-huit pages, Rendez-vous avec le bogeyman constitue pratiquement un album double. Le bédéphile a néanmoins l’impression que les choses se précipitent et que le dénouement détonne avec l’esprit de l’ensemble.
Dans les trois premiers volumes, le projet présente essentiellement la survie d’un groupe d’enfants dans un univers dominé par les morts-vivants, auxquels s’ajoute une entité maléfique et où tous les coups sont permis pour s’approprier les dernières ressources. C’est déjà beaucoup. Dans cette conclusion, le scénariste greffe le voyage dans le temps, suggère une réponse onirique et ésotérique, puis évoque une créature folklorique américaine, le bogeyman, lequel s’apparente au croque-mitaine. Les paramètres changent et les clefs apparaissent dorénavant ailleurs. Il est vrai que la figure de l’homme de lettres, suggérée dans les premiers tomes, prend tout son sens ; son rôle se révèle tout de même étonnant.
Le dessin de Djief demeure de haute tenue. Celui qui semble avoir une affection pour les années 1920 (Broadway, Les chroniques de Louise Pembleton) renoue avec cette époque qu’il connaît bien. La reconstitution des villes s’avère convaincante et ses monstres, poisseux à souhait, répondent aux attentes des lecteurs de L’affaire Charles Dexter Ward, qui a vu naître le personnage de Yog-Sothoth.
L’illustrateur a, du reste, fait ses preuves dans les bandes dessinées d’action (Crépuscule des dieux, Tokyo Ghost) comme le démontre son trait, vif et alerte, mis au service de la baston et des poursuites. Ses onomatopées, nombreuses et volumineuses, sont fréquemment interrompues par le cadre de la vignette et se montrent alors particulièrement tonitruantes. La colorisation, très sombre, contribue également à traduire l’ambiance glauque de la narration.
Une fin dense, où les révélations se multiplient, à un tel point que la trame est, par moments, confuse. Le projet n'en demeure pas moins d'une lecture agréable.
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