D
e l’Illinois au Wyoming, c’est un changement radical de scène qu’opère Tom dans son existence. Bon, il reste flic, c’est déjà ça ; sa fiancée, celle qui a insisté pour aller se mettre au vert, devrait arriver dans quelques semaines. En attendant, pour son premier jour, ses nouveaux collègues lui ont préparé un genre de rite de passage : aller sermonner Rose, une curiosité locale bien connue dans les parages. Cette femme forte en gueule n’est pas véritablement méchante, mais elle a le chic pour embêter son monde. Cette fois, c’est la SPA qui s’est plaint. Le motif du «crime» ? Elle ne laisserait pas sa chèvre sortir de sa caravane… bref. Rentré au poste sans avoir aperçu la dangereuse délinquante, Tom fait la connaissance de l’équipe. C’est une petite ville et tout le monde se connaît. Ici, la paperasse, personne n’aime ça, alors, il y a toujours un moyen de s’arranger afin que le calme soit maintenu. Al Capone et Chicago sont loin. Il faudra s’y faire mon cher Tom.
Faux-vrai polar sis sur les terres de Walt Longmire (le shérif créé par Craig Johnson), Dirty Rose rappelle aussi énormément certains textes signés Truman Capote ou J. D. Salinger. Un microcosme poussiéreux aux codes établis et difficilement pénétrables pour le nouveau venu, des vieilles rancœurs et un bouc émissaire tout trouvé, Marzena Sowa a imaginé un récit psychologique à la fois très classique et aux ressorts téléphonés. En effet, malheureusement, la mayonnaise (le ketchup ?) ne prend jamais. Les personnages, à peine ébauchés, se limitent à des stéréotypes déjà vus mille fois, la progression dramatique est hésitante, voire difficile à suivre et les «révélations» se résument à des futilités oscillants entre le dérisoire et la bête jalousie. La distribution est néanmoins à relever. Celle-ci s’avère suffisamment riche et couvre intelligemment tous les pans de la société, Premiers peuples compris (même si cette particularité ressemble plus à un passage obligé qu’à un choix scénaristiquement justifié). En résumé, il est difficile de se sentir concerné par cette histoire aux ramifications jamais clairement expliquées et peuplée d’individus aux préoccupations finalement très simplistes.
Du soleil éblouissant, de la lumière et un peu de poussière, Benoît Blary illustre ces péripéties avec élégance. Approche à l’aquarelle totalement maîtrisée (protagonistes, costumes, véhicules), il rend une copie solide, malgré une gestion de l’espace en demi-teinte. La plaine du Wyoming est un environnement infini, rempli de vide et seulement écrasé par le ciel. Sauf pour quelques rares illustrations (en début et en fin d’ouvrage), le dessinateur n’arrive pas à retranscrire et, surtout, intégrer, cet aspect essentiel de la géographie de cette région. C’est vraiment dommage, car l’opposition entre individu et force de la nature aurait certainement apporté plus de profondeur à un récit manquant passablement de mordant.
Sans réelle direction discernable ou véritable figure héroïque, voire tragique, peu importe, il manque à Dirty Rose un point pivot fort auquel s’accrocher ou s’identifier. La lecture n’est pas désagréable, particulièrement grâce au travail de Blary, mais peine à convaincre sur la longueur.
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