L
e soleil est couché depuis longtemps. La façade d'un immeuble à appartements emplit la page. Quelques habitants apparaissent derrière leurs fenêtres, vaquant à leurs occupations sans se douter du danger qui s'insinue. Dehors, une ombre menaçante s'étire, énorme. D'une noirceur impénétrable, elle prend une forme vaguement humaine, celle d'un titan à la couleur de la nuit. Elle s'approche sans faire de bruit. Comme un prédateur... fondu au noir.
Mattéo se réveille après un sommeil peuplé de cauchemars. Il a encore reçu la visite de l'Homme en Noir. C'était un rêve, évidemment. Il le sait, il le répète à Ivan, son meilleur ami, à qui il raconte tout. Absolument tout ! Il n'y a pas d'Homme en Noir. Il n'est pas réel. Tout va bien pour le petit garçon. Sa vie est tout ce qu'il y a de plus normal. Il a des parents aimants, un super chien et un vrai pote. Qu'est-ce qui pourrait clocher ?
Il convient d'abord de souligner le formidable travail de Grégory Panaccione. La couverture s'impose d'ores et déjà parmi les plus réussies de l'année. Les planches sont indéniablement au diapason. Les scènes oniriques qui rythment le récit distillent un malaise palpable. Les angoisses du jeune héros sont incarnées avec beaucoup de puissance. Cette silhouette sombre qui s'insinue dans les angles morts, attendant le bon moment pour se déployer, possède une densité incroyable.
Malheureusement, cette virtuosité graphique se heurte à un scénario qui se doit de composer avec l'extrême sensibilité de son sujet. L'enjeu de cette histoire ne relève pas d'un suspense insoutenable. Même sans lire la quatrième de couverture, la triste réalité s'impose rapidement comme une évidence. De ce point de vue, Giovanni Di Gregorio trouve le ton juste pour traduire le trauma et le cheminement psychologique de son personnage principal. Il amène avec une certaine délicatesse le récit vers sa conclusion. Cette dernière s'accompagne d'une impossibilité à se reposer sur des ressorts éculés. La gravité du sujet n'autorise pas une pirouette facile. Les auteurs jouent intelligemment sur un effet de symétrie, à la manière d'Alan Moore et Dave Gibbons dans Watchmen, mais sont contraints de recourir à une voix off bien trop explicative qui alourdit inutilement la fin. Les indices disséminés depuis le début étaient suffisamment clairs pour ne pas nécessiter analyse détaillée de tout ce qui a précédé.
Je ressors satisfait de ma lecture, à défaut d’être totalement emballé. En fait, je n’ai pas pu m’empêcher defaire un parallèle avec « Elle ne pleure pas, elle chante » qui traite du même sujet, mais le témoignage est celui d’une adulte qui raconte ses souvenirs (prépondérance du texte) alors qu’ici, on suit directement l’action par les yeux de l’enfant (prépondérance de l’image).
Tout repose donc sur le dessin et, de ce point de vue-là, il n’y a rien à redire. La couverture est somtueuse et, à l’intérieur de l’album, le contraste entre les couleurs lumineuses du jour et le noir absolu de la nuit est du plus bel effet. Quant à l’histoire, c’est sur la fin qu’elle déçoit, avec une conclusion bien trop explicative à mon goût. Ça pose la question du public visé par l’ouvrage : enfant, ado ou adulte ? J’ai eu comme l’impression que les auteurs eux-mêmes n’en savaient trop rien.
Hypnotique! Je ne sais pas trop pourquoi, mais c'est ainsi que je qualifierai cet album.
On est pris de bout en bout, ne comprenant pas grand chose à l'histoire mais ressentant le besoin de continuer à lire pour comprendre ce qui se cache derrière à la fois la légèreté de la vie toute douce de Mattéo et aussi du souffle lourd qui pèse sur cet album et qui nous met mal à l'aise.
La fin vient tout éclairer. Elle m'a même amené à relire l'album pour retrouver les indices distillés çà et là et on se rend compte que ce sont bien eux qui concourent à ce mystère.
Remarquable!
Une petite remarque perso et j'espère qu'il/qu'elle ne le prendra pas mal :
Si j'étais vous, je ne lirais pas l'avis (5étoiles!) de @Au Fil de Plumes car il dévoile la fin et, moi, c'est bien cette attente de comprendre qui m'a mis en état d'alerte permanente.
Mattéo a tout pour être heureux, sauf ce "petit soucis" qui persiste. Et oui, le petit garçon est hanté par un homme en noir et fait pipi au lit.
Le scénario est incroyablement fort. Bien construit, il insinue le doute dans la tête du lecteur, jusqu'au dénouement terrible. Sous ses airs de BD pour enfant, "L'homme en noir" aborde en réalité un sujet de société grave: les violences sexuelles.
Le scénario est d'autant plus saisissant qu'il est raconté du point de vue de Mattéo, la victime.
Les illustrations m'ont également surprises. Les traits sont nerveux. Mattéo est tout fin, hirsute et a une apparence fragile. Les couleurs sont vives et contrastent avec la noirceur des scènes avec l'homme en noir.
"L'homme en noir" est une BD émouvante qui met des mots sur l'indicible.