À quinze ans, Kernok fuit sa famille et embarque sur un négrier. Rapidement, il s’avère bon marin et devient un élément-clé de l’équipage. Mais il rêve plus grand. Le jeune homme n’a pas de scrupules et se débarrasse de son capitaine. Le voici maître à bord et bien décidé à devenir pirate. Du temps a passé et Kernok a vu du pays et vécu bien des aventures. Par cette nuit de novembre, alors que l’orage gronde, il veut connaître son avenir et se rend chez une sorcière sur la côte de Pempoul. Ce qu’elle a à lui révéler n’est toutefois pas au goût du héros. Car la vieille ne lui annonce rien d’autre que sa dernière heure, dans treize jours exactement…
Dans l’œuvre dense et protéiforme d’Eugène Sue, Kernok le pirate occupe une place particulière. Publié en 1830, d’abord en feuilleton puis en volume, il s’agit en effet de son premier roman. Étonnamment peu adapté en bande dessinée – à relever, tout de même, Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle –, l’écrivain français a touché à des genres très divers en commençant sa carrière par des aventures exotiques et maritimes. Ce récit est assez court, ramassé, l’histoire se résumant, somme toute, assez facilement. Mais il est particulièrement efficace en ce qu’il convoque tout un imaginaire sur les grands espaces marins et développe une réflexion quant aux conséquences de comportements excessifs. Dans une adaptation assez fidèle, Frédéric Brrémaud a parfaitement saisi les points forts du roman et va à l’essentiel. Son découpage (c’est lui qui s’en est chargé) est agréable et porte bien le rythme du récit. Les personnages secondaires, qui donnent de la consistance à l’ensemble, ne sont pas oubliés, à l’image de Mélie, l’amante du pirate, du mousse Grain-de-sel ou encore de Zeli, le second.
Les planches monochromes à l’encre de Chine plongent le lecteur dans une atmosphère noire, pleine de sang et de larmes. Les grandes cases foisonnent et offrent des vues envoutantes de l’océan et de remarquables plans larges sur les navires. Les scènes d’action sont impeccablement lisibles. S’il faut chipoter, une posture un peu trop figée, par-ci, ou un visage trop peu expressif, par-là, peuvent être relevés. Pas de quoi véritablement entacher la prestation globale qui s’avère de très bonne qualité et marquée par le regard perçant du personnage principal. Il est logique que le nom d’Alessandro Corbettini n’évoque rien au bédéphile : l’artiste italien signe ici son premier album. Du haut de ses vingt-quatre ans, le voici armé d’une solide carte de visite et promis à une belle carrière dans le neuvième art.
En compagnie du capitaine Brrémaud et de son second Corbettini, embarquez à bord de l’Épervier. Vous ne serez pas déçus.
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