Quand la nuit tombe (Achard, Galmès) 1. Lisou

E n septembre 1943, Grenoble est occupée par les Nazis qui y raflent les familles juives. Pour leur échapper, Lisou Veil, dix ans, sa sœur Mylaine et leurs parents ont trouvé refuge dans un chalet isolé, à quelques kilomètres de là. Les jours s’écoulent dans l’attente des nouvelles de leurs aînés, exilés en Suisse, et dans la crainte d’être découverts. Quelques mois plus tard, en février, des coups secs frappés contre la porte font basculer leur destin et les séparent.

Quatre-vingt ans après les faits, l’héritage mémoriel reste vivace chez les Veil* et leur parenté dont fait partie Marion Achard, qui scénarise Quand la nuit tombe. Remontant le fil du temps, elle s’empare des souvenirs de ses grands-tantes pour retracer le parcours familial durant la Seconde Guerre mondiale. Par le truchement des réminiscences de Lisou – âgée de plus de quatre-vingt-dix ans aujourd’hui -, elle entraine le lecteur dans la France occupée, en Isère. La vieille dame n’est alors qu’une enfant ballottée, avec les siens, d’un lieu à l’autre, au gré des urgences et des fuites. Il apparaît toutefois que son jeune âge ne l’empêche pas de saisir ce qui se joue autour d’elle, ni de percevoir l’inquiétude de ses proches. Le point de bascule est habilement amené et la séparation qui s’ensuit permet d’aborder à la fois le placement des gamins pour échapper aux rafles, l’aide apportée par quelques bonnes âmes, la tension de tous les instants dans un climat de dénonciation où la prudence est de mise. L’ombre de Drancy plane, concrétisée par l’arrestation de Mylaine, dont le sort sera développé dans un deuxième album. Il est également question du passage de l’autre côté de la frontière, grâce à des maquisards, puis de la libération de la région et des recherches pour retrouver ceux qui ont été déportés.

La partie graphique a été confiée à Toni Galmès. Ce dernier livre de belles planches, vivantes, expressives. Le découpage et la composition soignée des pages ainsi que les angles de vue variés permettent de s’immerger au mieux dans ce récit. La mise en couleur à l’aquarelle se pare de nuances délicates qui parviennent en restituer les différentes ambiances. La période hivernale, notamment, est joliment rendue. Une postface signée Dominique Vidaud, directeur de la Maison d’Izieu, un mini-dossier présentant les Veil, leurs soutiens, quelques documents (passeports, courriers, photographies) appartenant à la famille, ainsi qu’un poème de Lisou Veil terminent cette bande dessinée, en apportant des informations complémentaires.

S’inscrivant en devoir de mémoire, cette première partie de Quand la nuit tombe livre un témoignage prenant, à travers les yeux d’une enfant, des persécutions contre les Juifs français durant la Deuxième Guerre mondiale. Intéressant, le récit laisse avec l’envie d’en apprendre davantage sur la sœur déportée dont l’absence cristallise l’attention.

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*Ces Veil sont apparentés à la célèbre Simone Veil qui a épousé Tony, le fils aîné et frère de la petite Lisou.