M
azan et la paléontologie, c’est une longue histoire. Intéressé dès le plus jeune âge, les dinosaures et les fossiles l’ont toujours attiré. Les choses de la vie font qu’il est devenu bédéaste et pas géologue. Pourtant, la flamme ne s’est jamais éteinte. À la suite de coïncidences et d’opportunités qu’il a su saisir, il s’est retrouvé en 2010 sur une fouille à Angeac (près d’Angoulême) au moment où une extraordinaire découverte a été faite. Un gisement fossilifère d’importance mondiale riche en spécimens incroyables qui attira les médias du monde entier (dont l’équipe de la célèbre émission C’est pas sorcier, dans laquelle Mazan fait une apparition pinceaux en mains). L’expérience fut évidemment grandiose. De plus, le courant étant bien passé entre les scientifiques et l’artiste, ce dernier fut invité, en 2012, comme illustrateur pour une autre campagne, au Laos cette fois ! Six semaines en quasi-autarcie sur les traces d’une nouvelle espèce en train d’être identifiée. Le genre d’offre qui ne se refuse pas. Dix ans plus tard, son rapport d’expédition est (enfin) complet : Les dinosaures du Paradis.
Oui, il s’agit d’une BD documentaire et de vulgarisation. Conséquemment, le propos s'avère dense, déborde d’informations et de précisions. Coupes stratigraphiques, tableaux des époques géologiques, noms de bestioles à coucher dehors et bouts de cailloux à gogo sont au programme. Heureusement, le scénariste trouve le bon mix entre leçons et anecdotes. Résultat, la lecture ne souffre pas trop de ce petit cours de géologie de haut niveau. Il faut dire que Mazan a pour lui l’enthousiasme du vrai passionné, de celui qui aime avant tout partager ses découvertes et les faire aimer. Il a aussi avec lui des géologues aussi bons vivants que dévoués à leur travail. Quand l’ambiance est bonne, tout se passe mieux.
D’ailleurs, dans la suite du récit, il va leur en falloir de la bonne humeur et pas qu’un peu. En effet, après une première partie se déroulant en France, l’affaire prend de l’ampleur avec l’expédition en Extrême-Orient. À la curiosité et l’envie de découvrir, viennent se greffer l’exotisme et la rencontre avec une culture nouvelle pour l’auteur. Même si la tonalité penche parfois vers le travelogue façon Guide du Routard© en goguette, les difficultés du terrain (pas d’électricité, pas d’eau courante, quarante degrés à l’ombre quand il y en a) et la dureté du boulot (extraire au burin des fossiles fragiles d’une gangue de grès solide comme du béton) prennent immanquablement le dessus. Si ça rigole encore un peu, la fatigue et la déshydratation sont palpables.
Si le dessinateur aide souvent à la tâche, il n’oublie pas son métier premier et multiplie les croquis et aquarelles. Ces illustrations ont ensuite été remontée et couplées à des photographies afin de composer un album totalement immersif. Il en résulte un ouvrage regorgeant de détails et d’à-propos, qui sait pourtant rester facile d’accès et toujours doté de petites touches d’humour bienvenues.
Aventure humaine, excellentissime exposé sur la nature du travail de terrain scientifique et la magie de toucher à des créatures sorties de la nuit des temps, Les dinosaures du Paradis est un livre à mettre dans toutes les mains. Un futur classique du genre assurément.
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