L
a situation est catastrophique à la ferme où Mery vit avec sa famille : les mauvaises récoltes se succèdent et le spectre de la famine plane. Afin d’obtenir l’aide de l’omnipotente reine Bérénice, le père se rend à la capitale, accompagné de la gamine. Mais, pour cette dernière, le secours espéré prend un tour inattendu : elle est vendue à la souveraine contre la prospérité des siens. Quelques années après, elle est devenue Asmodée et appartient au cortège des Semi-Déus, ces enfants aux capacités magiques, vénérés par la population et asseyant l’emprise de la dirigeante. Possédant le rare don de métamorphose, l’adolescente s’ingénie à s’en amuser, peu attentive aux lézardes qui entament la belle façade du système.
Après Bakamon et Kinra gils, Jean-Gaël Deschard et Juliette Fournier entament une nouvelle collaboration, qui s’inscrit dans un univers baignant dans la fantasy, comme leur série Kami.
Tome introductif, La fabrique des enfants dieux installe le décor, présente les personnages et laisse entrevoir quelques enjeux. Plutôt classique, le schéma n’en demeure pas moins efficace et ménage quelques effets de surprise. Bien que l’ellipse de cinq ans s’accompagne d’un bref flottement, celui-ci est dissipé dès qu’Asmodée est identifié comme étant Mery. Ce faisant, le procédé suscite la curiosité du lecteur amené à s’interroger sur le changement de nom ainsi que sur les pouvoirs acquis par l’héroïne. Progressivement, le scénario égrène des éléments participant au mystère. Il met en avant des pratiques sombres, un contrôle de tous les instants, des dissensions internes et des réclamations externes. En parallèle, le scénariste entoure la protagoniste de figures secondaires – mentors, autres Semi-Déus – encore peu approfondies mais déjà assez caractérisées, certaines suscitant même un certain intérêt. Quant à la fameuse reine Bérénice, elle apparaît machiavélique à souhait et plusieurs passages donnent un aperçu de ses méthodes. Une pincée d’humour saupoudre l’ensemble et va de paire avec un côté un peu caricatural qui se retrouve dans les échanges.
Pour animer cette aventure, Juliette Fournier déploie un dessin typé manga et une mise en couleur globalement agréables. Grands yeux, traits expressifs, tenues japonisantes ou hellénisantes, décors soignés trouvent place dans des planches composées de quatre à huit cases. Les cadrages et plans alternent bien sagement entre vues rapprochées et angles plus larges. Enfin, si tout est très lisible, il est dommage que le dynamisme reste timide.
En dépit de quelques bémols, cette ouverture de Semi-Déus constitue une lecture plaisante, avec un personnage fort et un propos promettant d’être intéressant autour de la manipulation et de l’emprise sur fond de merveilleux. À découvrir.
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