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L e Larzac, un plateau reculé situé dans le sud du Massif Central ; une terre difficile, peu peuplée et connue principalement pour ses troupeaux de brebis fournissant le lait utilisé dans la fabrication du Roquefort. Pourtant, à peine énoncé, ce nom résonne immédiatement : Le Larzac, le symbole de la résistance et de la lutte communautaire contre l’administration et l’uniformisation. Avant l’altermondialisation, le sous-commandant Marcos, les ZAD et autres mouvements de désobéissance civile, il y a eu Le Larzac.

En octobre 1971, face à la décision unilatérale d’agrandir un terrain d’entraînement militaire, des hommes et des femmes ont dit non à l’expropriation et à la destruction de leur milieux et mode de vie. Pendant dix ans, ils vont engager un combat totalement déséquilibré contre l’Armée et la République. En cours de route, ils seront rejoints par tout ce que l’Hexagone comptait de militants (maoïstes, chrétiens charismatiques, écologistes, libertaires et anarchistes, sans compter les hippies) et, plus globalement, par une jeunesse qui sortait à peine de Mai 68. Actions non-violentes, manifestations, concerts, happenings à travers le pays, guérilla administrative et judiciaire, sociofinancement avant la lettre, occupations illégales, les bergers des Causses ont tout inventé au fur et à mesure, avant de forcer l’État à abdiquer. Aujourd’hui, ces espaces sont devenus un Parc naturel régional et ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Historien et auteur de nombreux livres sur le sujet, Pierre-Marie Terral s’est associé à Sébastien Verdier (Orwell, Dargaud, 2019) pour raconter cette épopée en bande dessinée. Le généreux ouvrage, introduit par un «ancien» devenu célèbre, José Bovet, démarre au jour 1 de l’annonce du ministère des armées décidant le redimensionnement du Camp du Larzac. À partir de là, tout va s’emballer pour les habitants du lieu et pour la France en général. C’est que l’époque avait changé. Habitués à accepter sans discuter les décisions venues d’en-haut, ces «petites» gens, des agriculteurs modestes, ont simplement refusé de partir. D’abord balbutiante, la contestation va petit-à-petit s’amplifier. Chaque étape de ce processus est décrite chronologiquement et précisément. La parole est donnée aux acteurs et les actions, d’abord retenues, avant de prendre de l’envergure, sont montrées clairement et remises dans leur contexte. Sans jamais tomber dans la leçon d’histoire scolaire ou se résumer à une énumération indigeste de détails, le scénariste arrive à faire passer les émotions (la peur, les espoirs souvent déçus, etc.) et, surtout, l’énergie de cette véritable épopée humaine. Résultat, il est impossible de ne pas être touché et entraîné par le flot des évènements.

Dessinateur réaliste aimant s’appuyer sur des documents photographiques, Sébastien Verdier est également un grand amateur du noir et blanc. L’association de la précision de son trait avec la sobriété du rendu monochrome auraient pu donner une atmosphère terne, voire vieillotte au récit. Ce n’est absolument pas le cas, bien au contraire. Les portraits des protagonistes dégagent force et modestie et la beauté des lieux est parfaitement retranscrite. De plus, loin de cacher ses sources, Verdier a parsemé ici et là des photos d’époque qui apportent d’autres points de vue, très immersifs, aux incidents émaillant cette saga sociale. Celles-ci permettent aussi de réaliser l’immense travail de recréation entrepris par l’artiste afin de redonner vie à ce passé pas si lointain. Cerise sur le gâteau, quelques pages signées du regretté Cabu se sont glissées au cœur de l’album. En plus d’être très amusant, ce reportage sur le terrain paru dans Charlie Hebdo en 1975 démontre aussi comment cette lutte s’était diffusée à travers la société.

Sous ses airs très classique se cache un BD-documentaire de grande tenue bien plus excitant qu’une fiction. Larzac - Histoire d’une résistance paysanne s'avère être une lecture passionnante et palpitante. Pas de chichi, pas de suspens inutile, seulement des faits tissant un récit où l’entraide et l’humanité ont réussi à renverser les cours des choses.

Par A. Perroud
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

Larzac - Histoire d'une résistance paysanne

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 03/10/2024 à 07:06:49

    Le Larzac est un territoire situé dans le département de l'Aveyron. Cette région au sud du Massif Central ne s'est pas faite connaître sur la base de sa géologie ou de son tourisme local. Non pas vraiment !

    En fait, il y a eu une révolte paysanne en 1971 qui a surgit dans l'actualité de la France entière. Parfois, la revendication et les manifestations marchent mieux qu'une campagne de publicité. Mais bon, on aurait sans doute pu s'en passer au vu du contexte.

    Visiblement, le Larzac est devenu un symbole de la résistance contre l’arbitraire politique, de ces gens qui décident de tout dans la capitale alors qu'ils sont assez éloignés des préoccupations des paysans français qui les nourrissent indirectement.

    La particularité également est qu'il s'agissait d'une révolte non violente à savoir plutôt une désobéissance civile afin de faire pression sur le pouvoir en place. En gros, l'Etat sous la présidence de Georges Pompidou voulait agrandir un terrain militaire en expropriant des centaines d'agriculteurs qui se sont rebellés. Après tout, ces terres sont plutôt perçues comme un immense désert impropre à la culture et leurs habitants sont des arriérés.

    Il a fallu une longue bataille notamment judiciaire et surtout l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981 pour que les habitants dans leur dignité obtiennent gain de cause avec l'arrêt de ce projet. Il est vrai que son prédécesseur Valéry Giscard d'Estaing soutenait également ce projet d'agrandissement du camp militaire au détriment des agriculteurs du Larzac. On se souviendra qu'il ne les a pas reçus quand ces derniers voulaient avoir un entretien avec lui. La raison ? Il se cachait derrière les institutions.

    Cependant, pour gagner cette bataille, il a fallu se mettre l'opinion publique dans la poche grâce aux médias qui couvraient les événements comme par exemple les brebis broutant sur le Champ de Mars au pied de la Tour Eiffel. La ligne qui prônait la non-violence a fini par l'emporter avec le résultat que l'on connaît.

    Il est vrai que cela ne se passe pas toujours ainsi et que cela aurait pu mal tourné également après l'attentat à l'explosif contre une famille orchestrée sans doute par les Autorités dont la Justice avait très rapidement refermé le dossier par un non-lieu de circonstance...

    Graphiquement il n’y a rien à redire, même en cherchant bien et en passant les planches à la loupe, il n’y a pas de fausse note. Le trait en noir et blanc est réellement fin et délicieux. Cela ne gâche rien à magnifier le beau plateau du Larzac, objet de tant de convoitises.

    A noter également une préface signée par José Bové ce qui peut apparaître comme un choix judicieux pour le sujet de ce récit. On apprendra qu'il a joué un rôle pour donner une autre dimension à ce combat sous la forme d'expérimentation d'idées nouvelles pour l'agriculture.

    Il faut savoir qu'aux paysans se joignent également les ouvriers ainsi que d'autres corps de métiers. C'est aller également au-delà des sympathies politiques de gauche ou de droite. Il s'agissait de protéger une région en pleine mutation. Ce combat aura duré quand même toute une décennie.

    Personnellement, je suis plutôt admiratif de ces gens qui se battent pour une cause juste et qui le font de manière intelligente dans la non-violence car cela laisse la place au dialogue nécessaire dans toute démocratie qui se respecte.

    Ainsi, cette BD nous conte un bel exemple sur lequel on peut méditer. Il est vrai que j'ignorais un peu ce qui s'était passé et que cette lecture m'a permis de découvrir. A vous le tour !