S
an Francisco, 8 juillet 1879. L’USS Jeannette largue les amarres et file vers le Nord. Financée par James Bennett (propriétaire du New York Herald), l’expédition rassemble les meilleurs spécialistes de l’Arctique, utilise les dernières technologies disponibles (Thomas Edison est un des fournisseurs) et est dotée des meilleures cartes. Le navire lui-même a été renforcé spécifiquement pour résister aux glaces. La mission ? Aller plus loin que les campagnes passées et atteindre le Pôle Nord, tout simplement.
La révolution industrielle a apporté les solutions matérielles nécessaires et l’expansion impérialistes des nations, les indispensables soutiens politiques et populaires qui ont fait du XIXe siècle celui des explorations géographiques. Derniers bastions, les Pôles demeurent encore des taches blanches dans les atlas. Les connaissances du terrain sont lacunaires et les conditions météorologiques impitoyables ont fait que toutes les tentatives en date se sont soldées par des échecs retentissants. Quant au bilan humain, il est dramatique. Cette fois, promis, ça sera la bonne. Le capitaine George De Long et l’ingénieur génial George W. Melville sont confiants. D’abord, contrairement à leurs prédécesseurs, ils vont aborder les glaces par le détroit de Béring où le Kuroshio, un courant chaud venant du Japon, réchauffe les eaux et amincit la glace. Ensuite, une fois la mer ouverte se cachant derrière la banquise atteinte, le reste du voyage sera aisé. La réussite est donc garantie. La réalité sera toute autre, évidemment.
Clément Baloup et Hugo Stephan retracent cette aventure humaine tragique avec efficacité et sérieux. Une petite mise en contexte historique en guise d’introduction suivie de quelques pages dédiées à la présentation des protagonistes et, hop, c’est le départ. Navigation, espoir et, fatalement, quand les informations géographiques se révèlent majoritairement erronées, des problèmes surgissent et un premier hivernage difficile est imposé par les conditions climatiques. Un deuxième plus accablant suivra, avant que la destruction du bâtiment force les survivants à une marche mortifère sur un océan aussi désolé que gelé. Non, désolé de divulguer la fin, cette expédition ne sera pas couronnée de succès et il faudra attendre encore quelques années (Peary en 1909) avant de mettre le pied sur le sommet du globe.
Album joliment troussé et agréablement mis en page, la narration exploite intelligemment son sujet. Pour un premier album, Hugo Stephan offre un très bon résultat, sa gestion originale et réussie des couleurs est à relever. Lecture de genre parfaitement maîtrisée, Captif des glaces permet de mieux appréhender la nature des épreuves endurées par ces aventuriers du passé.
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