C
'est un monde désolé où plus aucun espoir ne subsiste. Quelques survivants errent sans fin dans un paysage tourmenté. La mort elle-même a déserté ce lieu. Les quelques âmes qui arpentent les paysages âpres sont condamnées à une souffrance éternelle, perdant tout souvenir et toute humanité, jusqu'à sombrer dans un état de folie bestiale et devenir des "oubliés". Pourtant, des rumeurs rapportent l'existence d'une oasis, dernier endroit habitable. Ikar et Graham tentent de le rejoindre, faisant face à la violence omniprésente. Ils découvrent alors une petite fille aux pouvoirs surnaturels. Là où elle se trouve, la nature reprend ses droits. Le sol stérile se couvre de plantes. Les humains peuvent de nouveau mourir. Ils décident de la protéger, coûte que coûte, alors que la tribu des « fils de Sad » a juré de s'emparer à tout prix de l'enfant.
Ce premier album frappe par son ambition, proposant un récit d'une très grande noirceur ancrée dans un univers foncièrement original. Le but assumé est de happer le lecteur dans une ambiance horrifique. Mais le parti-pris de Kim Gérard de ne rien expliquer rend vite l'ensemble hermétique. Ce cauchemar post-apocalyptique prend trop de raccourcis pour convaincre complètement. La perte progressive d'humanité jusqu'à devenir une monstruosité abjecte couplée à l'impossibilité littérale de succomber sauf à proximité de la gamine représentent autant d'éléments qui tiennent plus du deus ex machina qu'autre chose. Le récit se veut immersif, mais la manière dont il impose certains aspects de son intrigue le rend artificiel et le prive d'une grande partie de son impact. Si Kim Gérard est clairement influencé par le travail de Frederik Peeters (la référence visuelle à Aâma est évidente), les scènes d'action perdent vite en lisibilité. L'utilisation excessive de lignes dynamiques, technique empruntée au seinen, brouille le trait, jusqu'à la rendre parfois difficilement déchiffrable. L'idée était sans doute de marquer une rupture nette et d'accentuer les explosions de violence. L'effet tombe malheureusement souvent à l'eau.
Reste que, pour un coup d'essai, le jeune auteur impose une vision originale, même si encore inaboutie. Délivrance est, certes, imparfait, il porte indéniablement les promesses de belles choses à venir.
Poster un avis sur cet album