À Sinnergulch, le boss, c’est lui. Jay Foxton. Ayant bâti sa fortune sur l’extraction du pétrole, il emploie une part conséquente de la population municipale. Cette position a fait de lui un tout-puissant qui, à défaut d’être sincèrement respecté, est craint de tous, y compris du maire et du shérif qui lui obéissent sans sourciller. En 1895, l’essentiel de cette petite ville d’Alberta (Canada) lui appartient. Une parcelle échappe, toutefois, à son écrasante expansion. Là-haut, surplombant la ville, Gus Carcajou est assis (sans le savoir) sur un trésor d’hydrocarbures. Le vieillard vit en ermite, ramasse un peu d’or et ne descend que pour se réapprovisionner. Mais pour l’homme le plus cupide de la ville, récupérer cette colline est devenu une obsession. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir.
C’est avec un combat à mains nues contre un carcajou (l’animal qui a donné son nom anglais à un célèbre personnage de la maison Marvel Comics) que débute l’histoire proposée par El Diablo (Monkey bizness, Space Connexion). Le Canada et ses grands espaces, la faune parfois inhospitalière et l’implantation des premiers hommes : voici ce qui sert de décor à ce western teinté de fantastique. Les différents personnages sont travaillés avec soin et endossent tous un rôle bien spécifique. Aux côtés de Jay Foxton et Gus Carcajou, le lecteur découvre également le shérif Kodiak, sans cesse dépassé par les évènements, le maire, particulièrement couard, ou encore Linda Squirrel, la patronne du cabaret et seule à oser tenir tête au potentat local. L’intrigue est prenante, merveilleusement huilée et embarque le lecteur jusqu’à un dénouement surprenant. Elle est également l’occasion d’aborder, sans fard, certains sujets plus sérieux comme la condition de femmes ou encore les spoliations liées au nouvel eldorado de l’or noir.
Pour sa première bande dessinée, c’est peu de dire que Djilian Deroche délivre une copie remarquable. Un nom à retenir pour les bédéphiles et une belle trouvaille de plus pour les éditions Sarbacanes, habituées à révéler de nouveaux talents. Dans un style pouvant, par endroits, rappeler celui de Christophe Blain, le dessinateur est à l’aise quel que soit le terrain, multiplie les détails, varie les cadrages et rehausse le tout de couleurs percutantes. Surtout, il parvient parfaitement à mettre du mouvement dans ses cases, à casser le rythme lorsque cela s’avère nécessaire et à maintenir une constance tout au long des plus de deux cents planches de cet ambitieux récit.
Récit haletant, magnifiquement mis en images et bourré de rebondissements, Carcajou n’est rien d’autre qu’une des bandes dessinées incontournables du début de l’année 2024.
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Quand un vieux bonhomme moitié ermite, moitie vieux loup, moitié indien, moitié fou, moitié chamane et immortel (Ok, ça fait beaucoup de moitiés!) s'installe sur SA colline sur laquelle lorgne le jeune propriétaire de tous les terrains alentours pour son sous-sol remplit d'or noir, ça fait des étincelles.
Et pas celles qui pétillent de bonheur. Tout est bon pour ce riche pour parvenir à ses fins et c'est loin d'être beau...
Tout est magnifique avec une fin surprenante. Un bijou!!!
« Carcajou » fut pour moi une de ces découvertes qu’on aimerait faire plus souvent.
Une histoire étonnamment bien construite, qui repose sur une galerie de personnages solides et attachants, sans manichéisme ni caricature.
Et même s’il y a un shérif, des Winchester et des trappeurs, le scénariste Eldiablo exploite surtout l’envers du décor : une bourgade de western bâtie autour d’une seule et même compagnie pétrolière, dont le patron, héritier ambitieux et cupide, asservit sans scrupules une population entièrement dépendante de ses dollars. Une zone de non-droit, isolée, en proie aux superstitions et aux légendes des peuples autochtones, menacée par une nature inquiétante.
Djilian Deroche l’illustre par un dessin généreux, expressif, détaillé. Un trait d’une grande vitalité qui ajoute au récit une vibrante énergie. Avec ses belles couleurs, il dépeint superbement le Canada sauvage de 1895, sans prétendre le restituer de façon réaliste. Il se dégage des plus de 200 planches une ambiance visuelle prégnante et singulière.
Parfaitement servi par ce style graphique – qui peut en effet rappeler celui de Blain sur "Gus" – le scenario, d’une efficacité redoutable, surprend sans cesse en empruntant des détours insoupçonnés. Et ce, jusqu’à la dernière page.
Suivant des variations de rythme bien maitrisées, les deux auteurs savent faire sourire dans les situations cocasses, créer d’implacables tensions aux bons moments, dompter l’angoisse quand l’atmosphère frôle le fantastique, ou faire poindre l’émotion quand certains protagonistes se confrontent à leurs passés. C’est absolument remarquable.
Littéralement scotché à ma BD, j’ai passé à Sinnergulch, Alberta, un moment de lecture mémorable ! Un album d’une grande richesse narrative, profond et prenant.
Très bon et original ! On passe un excellent moment !
Pourtant, le dessin et l'histoire un peu naifs ne m'attiraient pas particulièrement.
Comme quoi, on peut faire du très bon avec 'peu' si je puis dire, car j'impagine qu'il y a un gros travail derrière.
Très bon album, le dessin, qui fait pas mal penser à Blain, fait mouche, le scénario est bien ficelé, les personnages ne manquent pas de profondeur.
Attention, on est pas chez Yakari, pas mal de violence, de noirceur mais rien n'est gratuit.
Une lecture haletante, dont la fin , surprenante, est assez morale, et ça fait du bien de temps en temps..
Quel bijou que cette BD ! Voilà une œuvre hors norme qui mérite vraiment une lecture jusqu'à la dernière page qui m'a totalement bluffé comme jamais. Je dois bien avouer que j'étais très loin d'imaginer une telle conclusion qui remet tous les événements en perspective. J'ai été littéralement bluffé !
En effet, j'ai rarement vu une maîtrise aussi parfaite au niveau du scénario. Cette œuvre coche véritablement toutes les bonnes cases pour nous plaire. Il n'y a absolument pas la moindre place à l'incohérence. Cela m'a procuré un sentiment de grande satisfaction.
Nous avons un western assez âpre qui se passe dans la province canadienne de l'Alberta où après la ruée vers l'or, on assiste à l’exploitation pétrolière de ces beaux espaces ayant appartenu jadis aux tribus indiennes.
En effet, il est question d'un bras de fer entre un riche exploitant sans scrupule et le propriétaire d'une colline ne cédant pas à l'intimidation. Le combat promet d'être rude et sans aucune concession !
Au niveau du graphisme, le dessin est assez avenant et expressif avec une colorisation tout à fait adaptée en fonction des scènes. Certes, le coup de crayon est plutôt gras mais on reconnaît assez facilement le faciès des différents protagonistes de ce récit. Une mention spéciale pour un chapitre en flash-back qui se fera en noir et blanc. Bref, rien à redire sur la forme non plus.
Au final, on a droit à un album qui sort incontestablement du lot et qui réussit l'une des meilleures performances de l'année.
Très bon Western...
Si le cinéma tend de plus en plus aux séries, avec des plateformes de streaming comme Netflix, il me semble que c’est le contraire qui se produit avec les BD francophones, tendant de plus en plus à circonscrire leur histoire à quelques albums maximum (sauf succès d'envergure). On pourrait parler de la fin de « l’âge d’or », celui de la presse BD, mais force est de constater qu’il y a encore plus d’excellentes BD francophones qui sortent tous les mois... A débattre.
Ainsi, Carcajou est une BD en un seul tome, accessible, mais également parfaitement composée et très expressive. Son esthétisme s’inscrit d’ailleurs dans la lignée de la nouvelle vague des années 2000, avec des BD comme Lincoln ou Gus.
Le scénario est convaincant de bout en bout (tout le contraire du dernier « Blueberry »...) et parvient à renouveler le genre, avec un fil rouge autour de cet animal glouton du nord du Canada, le carcajou.
On y raconte l’histoire d’un chercheur d’or renfrogné, justement nommé Gus Carcajou, dont la concession attise les appétits d’un entrepreneur peu scrupuleux - c'est un pléonasme - Jay Foxton. Et j’apprécie toujours ces réflexions sur la justice et le capitalisme, ces récits aux teintes progressistes. D’autant plus que l’histoire est plutôt crédible, avec des personnages à la psychologie fouillée.
Néanmoins, je dois avouer qu'ayant lu pas mal de Western dans ma jeunesse (en particulier Blueberry ou Lucky Luke dans un tout autre style), j’ai parfois eu un goût de déjà-vu (il y a d’ailleurs une référence appuyée à John Steinbeck), ce qui a un peu freiné mon immersion.
Il n’en demeure pas moins que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette BD.
Un travail remarquable de Djilian Deroche pour une première BD (et n’oublions pas non plus d’El Diablo).
J'aime beaucoup le scénario, mais le graphisme c'est pas trop mon style. Je le trouve un peu trop simple et pas assez entrainant dans l'action.
"Carcajou" est une excellente surprise sur de nombreux points, notamment avec un scénario en béton qui amène une tension incroyable sur toute la longueur, un western trépidant avec de nombreux personnages atypiques aux caractères bien trempés. Le dessin peut sembler naïf et caricatural à première vue, mais je le trouve ultra expressif dans l'approche en plus du détail, des couleurs et de l'ambiance des paysages canadiens. Une plongée dans la fin du 19 siècle, surtout pour un twist qui vaut sont pesant d'or (ou de pétrole). L'approche du scénario et le découpage sont vraiment réussi, cela donne une œuvre plein de caractère, à lire absolument.
Un thriller historico-fantastique mené tambour battant ! Le XIXeme siècle dans ce qu'il avait de pourri avec les débuts des conquêtes pétrolifères. Une histoire sans foi ni loi dans une des contrées de l'or noir. Bref, il vous le faut !