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out le monde connaît l'histoire du petit garçon qui criait au loup. La mère de Dawa la lui a aussi racontée et lui a même fait promettre de ne jamais crier au loup. Pourtant...
Avec Cry Wolf Girl, Ariel Kies offre une relecture métaphorique de la célèbre fable. Transposant l'intrigue dans ce qui semble être un village africain, l'auteurice prend pour héroïne une orpheline en proie à la peur de voir l'animal attaquer. Rêve ou réalité ? S'il est au départ difficile de trancher, il apparait peu à peu évident que le canis lupus symbolise tout autant le danger quotidien auquel les villageois font face que les angoisses que la jeune fille traverse depuis la disparition de ses proches. Besoin d'attention, réelle attaque à venir ou délires psychotiques dont la source serait le désarroi dans lequel Dawa est plongée ?
La seule certitude est qu'à mesure que la lecture avance, la tension et l'inquiétude montent. La mise en page de l'artiste participe à ce trouble. Tantôt colorées, en rouge orangé, tantôt en noir et blanc ses planches interpellent. Grâce à son style surprenant mais maitrisé, Ariel Salmet Kies alterne les séquences dynamiques et stressantes, dans un trait jeté et expressif, avec des passages plus lents où Dawa - et le lectorat avec elle - s'interroge sur la véracité de ses visions.
Malgré la brièveté du récit, peut-être son principal défaut, l'auteurice parvient à moderniser la fable d'origine en proposant une fin habile. Ainsi, l'intervention du chasseur de loups vient en rupture de l'attitude des autres adultes en apportant une oreille attentive à Dawa et lui tendre la main. Iel met ainsi l'accent sur la nécessité d'écouter et l'importance de libérer la parole pour aider ceux qui perdent pied.
Intense tant graphiquement que dans sa narration, Cry Wolf Girl éveille la curiosité et donne envie de s'intéresser de près au travail de Ariel Salmet Kies. Cela tombe bien puisque Witchy sort chez Akileos en février 2024 et Strange Bedfellows est annoncé pour 2025 à nouveau chez Kinaye.
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Sacrée découverte que cette jeune autrice australienne formée à l’animation et déjà à la tête de trois albums avant un quatrième à sortir cet automne (et en 2025 chez Kinaye). Sous la forme d’un volume au format franco-belge très classique elle revisite le fameux conte sous une forme féminine, mais surtout comme une sorte de prolongation du récit qui introspecte la psyché de celle qui criait au loup par un léger décalage totalement immersif. Il faut dire que la partition graphique est franchement enthousiasmante, voir même impressionnante! Dans une bichromie orangée l’autrice travaille ses textures et des motifs simples pour, comme dans un rêve, évoquer les yeux ou le pelage du loup si redouté. Avec des traits simples elle insère ses personnages dans un univers organique qui nait par de simples effets de pinceaux, évoquant le couvert végétal, les huttes du volage ou cette fourrure, dans un monde nocturne où tout est sombre et inquiétant.
La mise en scène par des cadrages serrés et très dynamiques crée l’incertitude permanente, jouant champ/contre-champ en cherchant toujours les regards, comme une recherche crainte entre les yeux de Dawa et ceux du loup. Enfin le design du village, des costumes, très élégant, transpose un univers africain de fantasy dans les sombres forêts de résineux qui ont vu naitre le conte…
Cry wolf girl, par son immense richesse graphique, par la simplicité de son histoire, par l’utilisation du conte, a plus de l’album jeunesse, univers parent de la BD et où les artistes jouissent d’une liberté créatrice sans pareil. Ariel Ries a choisi le format BD, qui ajoute la possibilité de mise en scène lié au découpage. Il ressort de cette lecture (rapide) un très grand plaisir à la fois familier et novateur et surtout l’explosion d’un talent brut qu’il faudra suivre assurément!