Le vin des Poilus est la quinzième cuvée de la collection Vinifera. Ce sous-thème de la Grande Guerre a été traité par de nombreux historiens, tels Hubert Bonnin ou encore Christophe Lucand. Il souffre encore d'idées préconçues, parfois véhiculées dans les cours du secondaire. Aussi, l’approche par la bande dessinée peut se révéler pertinente, d'autant plus dans le cadre d'une collection dédiée à la passion du vin.
1916. Dans la vallée de la Marne, les soldats français, les fameux "poilus" fuient un quotidien morbide et stressant avec l'alcool. La ration de vin est faible et franchement imbuvable. Les combines se multiplient pour acheter en douce de bonnes bouteilles. D'autant que les rumeurs assurent que le bon vin est réservé aux officiers. C'est dans ce climat que Gaston, un jeune descendant de vigneron, arrive dans sa nouvelle unité où les amateurs de crus sont nombreux. Chacun ne jurant que par sa région natale bien entendu...
Le cahier des charges de la série est rempli. Éric Corbeyran mêle les évènements historiques et les anecdotes pour raconter le vin, la vigne ainsi que les femmes et les hommes qui en vivent. L'équilibre est délicat sur un seul tome pour un sujet si vaste, mais le scénariste parvient à sortir la tête du tonneau. En axant son récit sur le front de Champagne, l'auteur tente de résumer l'importance de l'alcool chez les soldats ainsi que les conséquences du conflit pour les petits producteurs et les grandes maisons d’Épernay et de Reims. Ce challenge est ambitieux. Ce qui fait que "l'attaque" de la première lecture laisse un sentiment de frustration. Le traitement du sujet est rapide, greffé à une intrigue convenue sur les classes sociales. Cela génère un aspect résumé, puisqu'un grand nombre de faits sont survolés et d'autres ne sont pas abordés. Là-dessus, c'est le petit dossier de fin qui rempli partiellement cette mission.
Lucien Rollin assure la "robe", autrement dit l’apparence visuelle du tome. Son style est classique, ce qui peut plaire à un lectorat d'un certain âge, mais rebuter les autres. Quelques planches manquent de dynamisme ou d'audace, ce qui laisse un "arrière-goût" amer. Toutefois, le résultat est acceptable.
En dépit d'un postulat de départ intéressant et d'un sujet passionnant, Vinifera manque encore de "corps".
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