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hénomène complexe à appréhender, en raison de sa grande diversité et de sa transposition cinématographique axée sur l'héroïsation, la Résistance n'a pas fini de faire couler de l'encre, a fortiori dans un contexte de récupérations fréquentes . Depuis des années, le neuvième art est devenu un vecteur de transmission de mémoire auprès des plus jeunes, présentant des figures s'étant illustrées durant la Seconde Guerre mondiale. Aussi, lorsque Jean-Yves Le Naour, historien chevronné, scénarise un album autour d'un réseau très peu connu du grand public, cela ne peut que susciter de l'intérêt.
En 2013, dans son histoire de la résistance, Olivier Wievorka écrit : "La résistance fut donc essentiellement le fruit d'initiatives d'hommes nouveaux sous des formes multiples qui traduisaient essentiellement une résistance spirituelle symbolique et une aide matérielle aux évadés, aviateurs alliés abattus". Cette citation illustre à merveille l'ambition de l'album consacré au réseau comète, sous-titré La ligne d'évasion des pilotes alliés, à savoir faire connaître et comprendre ces "initiatives". L'action se situe en septembre 2021, le scénariste rencontre Christiane, l'une des dernières membre du réseau encore en vie. Âgée de quatorze ans à l'époque, elle raconte son histoire et celles des personnalités-clefs de Comète.
Jean-Yves Le Naour offre un récit complet, en évitant d'être laborieux. Pour ce faire, il se met en scène discutant avec le témoin. Ce travail d'historien tourne parfois au cocasse puisque Christiane va gentiment rabrouer l'universitaire sur son manque de culture générale et sur sa méconnaissance du pays basque. Ces moments amusants amènent des respirations bienvenues. De fait, de nombreux témoins ont l'esprit taquin, et le procédé casse une linéarité qui serait source de lourdeur. Les échanges sont nombreux et portent sur les évènements ou les protagonistes, tels Andrée de Jongh ou Jean-François Nothomb qui ont eu un rôle crucial dans le réseau. Le récit se boucle de belle manière en soldant une promesse faite dans le passé. L'album comporte un appréciable dossier pédagogique qui satisfera les bédéphiles désireux d'en savoir davantage.
Deux dessinateurs se sont relayés sur ce one-shot. Tout d'abord, Marko a réalisé le story-bord avant qu'Inaki Holgado assure la mise en images finale. Habitué du registre historique, il collabore régulièrement à la série consacrée aux compagnons de la libération chez le même éditeur. L'approche graphique s'éloigne du style classique pour proposer un trait plus contemporain et agréable à l’œil, en particulier pour les jeunes lecteurs. Cette impression est renforcée par les choix de colorisation.
Album tout aussi plaisant à lire qu'enrichissant culturellement, le Réseau Comète est un bon exemple de bande dessinée mémorielle accessible et de qualité.
Encore un ouvrage qui décrit l’un des actes glorieux de la Résistance en France. Le réseau comète était chargé d’évacuer les parachutistes alliés égarés en Belgique pour les extirper à l’ennemi en passant par la France et l’Espagne afin qu’ils puissent rejoindre la Grande-Bretagne via Gibraltar. Cependant, on ne s’intéressera que sur le passage en France jusqu’aux Pyrénées.
Ce réseau avait une particularité car il était dirigé par une femme avec la collaboration d’autres femmes qui jouaient les passeuses. On s’aperçoit que les femmes ont joué un rôle non négligeable dans la résistance en France et que certaines l’ont payé de leur vie.
C’est un témoignage utile d’une ancienne résistante qui se termine avec un message d’avertissement du style que cela peut malheureusement se reproduire si on ne prend pas garde. Du coup, les plus jeunes pourront découvrir comment cela s’organisait concrètement dans la réalité.
Le dessin ?… Un très bon graphisme réaliste dans une mise en page de belle facture. Une ligne « soignée » où décors et arrière-plans ne sont en rien négligés, que du contraire. Un trait soigné pour un travail qui donne du cachet aux cases.
Pour autant, mon avis personnel sera un peu plus mitigé pour des considérations un peu externes. C’est un ouvrage engagé qui ne laisse pas de place à la nuance et qui glorifie les actes de la Résistance. Cela ne me dérange pas bien au contraire.
Cependant, il faut savoir que l’époque de l’Occupation, beaucoup ont servi docilement le régime de Pétain à commencer par les fonctionnaires. Qui se souvient encore que le président François Mitterrand fleurissait chaque année la tombe de ce Maréchal tombé dans l’ignominie de l’idéologie raciste nazi ?
J’ai lu des BD qui traduisait un peu plus ce sentiment de période grise où certains se sont érigés en résistant à la fin de la guerre après avoir collaboré et d’autres ont été accusé injustement de collaboration avec l’ennemi.
Bref, je ne suis pas à l’aise dans ce manichéisme qui a le mérite cependant d’être clair et de trancher efficacement. Maintenant et je le redis, ce type de BD a toute son utilité pour rendre hommage à ceux qui ont pris de véritables risques et qui se sont battus pour un idéal de liberté et de fraternité sans se compromettre dans l’extermination. Ils auront toujours ma reconnaissance de vivre dans un pays libre et démocratique.