A
pparues discrètement au tournant des années quatre-vingts aux USA, les micro-brasseries ont depuis connu un développement exponentiel et essaimé à travers la planète. L'élément déclencheur était simple : lassés des bières sans corps, goût ou identité, des amateurs de houblon avaient décidé de prendre les choses en main et de brasser eux-mêmes leur nectar. Après tout, la bière est une boisson ancestrale qui, pendant des millénaires était confectionnée à domicile: pourquoi ne pas retrouver ces gestes ? Cinquante ans plus tard, le mouvement des «micro» est global et rares sont les villes ou les régions où il ne s’est pas implanté.
Curieux d’en savoir plus, Sualzo propose un tour d’horizon du phénomène micro dans Beer Revolution. Teo Musso, un pionnier italien et propriétaire de la brasserie Baladin, lui sert de guide et d’entremetteur. Ensemble, ils visitent une quinzaine de maisons renommées d’ici et d’ailleurs et dressent un portrait résumant la philosophie et les usages de cette industrie. La première constatation ? Petites, grosses, récentes ou bien établies, ces brasseries ont toutes en commun d’être l'œuvre de passionnés, voire de rêveurs. De plus, si les profils sont divers, la démarche initiale est identique : comprendre l’alchimie derrière la transformation du grain, du houblon, des levures et de l’eau en un breuvage pétillant (ou pas) et magique, avant de manier ces ingrédients de base afin de pouvoir exprimer une idée ou une sensation.
Pour réaliser ce rêve, ces artisans ont avec eux des traditions ou des vieilles recettes (souvent à défricher et à moderniser) et, le plus important, un réseau d’entraide et de camaraderie unique à l’univers des brewers de ce monde. Ce dernier point est essentiel. Untel va commencer par faire un stage chez Cantillon (Belgique), avant de passer quelques années chez Dogfish Head (USA) et de s’inspirer de Chimay (re-Belgique) pour produire sa première bière chez To Øl (Danemark) grâce aux conseils d’un Japonais envoyé là par Hitachino Nest pour se perfectionner. Ensuite, avec de la chance et un bon financement, il pourra peut-être ouvrir sa propre brasserie. Avant cela, il y aura d’innombrables essais et remises en question. Cependant, comme tout est permis (Cap d’Ona en France ne glisse-t-il pas un peu de Banyuls à ses brassins ?), cette quête demeure emballante et enrichissante.
Ouvrage généraliste (les fiches sur les différents styles sont bienvenues pour les néophytes), mêlant agréablement techniques, rappels historiques et anecdotes, Beer Revolution est une lecture agréable, malgré un dessin parfois un peu générique. Ce bémol mis à part, il s’agit d’une excellente introduction à un domaine gastronomique en perpétuelle ébullition que devraient apprécier tant les foodies à la recherche des dernières tendances que les assoiffés voulant échapper à la standardisation des goûts et des saveurs. Santé et avec modération !
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