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Monica (Clowes) Monica

26/10/2023 5650 visiteurs 8.0/10 (1 note)

U n tiers de nostalgie, un tiers de psychologie, plus un tiers de bizarre pour lier le tout. La maison Clowes reste fidèle à ses habitudes et, après sept ans de mijotage, l’auteur de Ghost World revient avec un album envoûtant façon salmigondis. À la fois classique et dans la lignée de ses œuvres précédentes, Monica est absolument nouveau et différent. L’utilisation imaginative d’ingrédients simples et leur intégration dans des préparations originales sont la marque des grands chefs, la réinvention des recettes connues afin de surprendre les amateurs aussi. C’est même à ce talent qu’ils doivent leur réputation. Sur ce plan, même s’il fait plutôt dans la BD, Daniel Clowes est un maître.

Proposé sous la forme d’un menu en neuf services de genres variés et dotés chacun de leur propre identité visuelle, l’ouvrage fait la part belle à l’Americana et à une certaine culture populaire. Récits de guerre et d’horreur à la manière d’EC Comics, un peu de science-fiction paranoïaque, les dérives des sixties, le retour de bâton lors de la présidence de Ronald Reagan, avant que le temps fasse grisonner la génération des baby-boomers, le scénariste met en scène les soixante dernières années du rêve (cauchemar ?) américain. Par la même occasion, il se fait plaisir en recréant et en réinterprétant ses lectures de jeunesse. Son but ? Revivre pour un instant des moments de joies innocentes, avant d’être obligé à accepter son sort de mortel et d'embrasser la réalité du monde.

Sauf pour quelques initiés, ce petit jeu mêlant considérations personnelles, références et clins d’œil savants à des artistes et des œuvres rares ne serait guère intéressant en soi. Évidemment et heureusement, la narration va bien au-delà. La distribution, particulièrement, se montre extraordinaire de profondeur. Personnalités complexes, ambivalentes, voire torturées, chaque membre du casting apporte sa pierre à l’édifice. De plus, le temps long de l’action permet d’approfondir les portraits et de montrer précisément les conséquences de leurs choix et de leurs décisions. Ironiquement, si l’humain concentre toutes les attentions, le scénario souligne existentiellement qu’il ne reste finalement qu’une quantité négligeable dans le melting pot global.

Variation de styles graphiques parfaitement intégrée à la narration, d'une richesse et d'une intelligence thématiques de tous les instants, Monica est une réussite d’une tenue impressionnante. Le seul bémol ? Sa densité. En effet, avec seulement un peu plus de cent pages, les planches s’avèrent touffues et très resserrées (l’histoire finale liant l’ensemble flirte d’ailleurs avec l’indigeste, tant elle est étouffée par des textes explicatifs envahissants). Dans sa volonté d’offrir un livre contenu, Clowes a peut-être un peu trop poussé son curseur pour caser toutes ses préoccupations.

Par A. Perroud
Moyenne des chroniqueurs
8.0

Informations sur l'album

Monica (Clowes)
Monica

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Note: 3.5/5 (24 votes)

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L'avis des visiteurs

    Zablo Le 15/02/2024 à 23:11:55

    En marge...

    Le scénario de Monica est assez délirant : dès les premiers chapitres, on apprend ainsi que Monica a été abandonnée enfant par sa mère, une sorte de hippie un peu paumée...

    Mais, si je n'adhère pas totalement au propos de Daniel Clowes, qui nous fait un peu le SAV des années 70... j'ai quand même accroché.

    Car Daniel Clowes maîtrise son art. Il a un sens aigu de la mise en scène, les plans des cases étant choisis avec brio (ne serait-ce que pour le « générique » du début). Les regards spectateurs notamment ont le mérite de nous interpeller, de nous impliquer plus que ne le ferait une autre BD.

    On a aussi la sensation de rentrer dans un vieux Comics, avec des couleurs délavées, des ambiances d'époque...

    Les graphismes sont caractéristiques de Daniel Clowes, on ne peut pas se tromper : les contours épais des personnages font ressortir leurs silhouettes, tandis que de fines hachures, parfois obliques, leurs donnent du volume, une forme de vitalité.

    La narration est profonde, faisant appel à notre sens de l'image autant qu'à celui des mots. Cela veut aussi dire qu'il y a des monologues, en vois-tu en-voilà...

    Car la première personne du singulier, le « je », est central ici. Ce n'est plus le héros d'après-guerre, invincible et sur-protecteur, qui nous amène du réconfort, mais bien nous qui psychanalysons une héroïne mortelle. Exercice intéressant que celui d'être à l'écoute...

    Quoiqu'il y aussi des à-côtés dérangeants : le ton des personnages est parfois un peu pathétique, dérisoire voir un peu méchant... Ils s'écoutent parler... mais entendent des autres que ce qui les intéressent. Les bulles à demi-rognées en témoignent et nous renvoient aussi à nous, à notre façon de lire la BD.

    Mais quelle est la part d'empathie des personnages entre-eux, de l'auteur pour ses personnages, de la nôtre ? J'avoue à avoir eu du mal à m'impliquer totalement dans cette histoire, car j'ai parfois me-compris les motivations de l'auteur, son engagement, si ce n'est artistique.

    Je me demande si Daniel Clowes n'est pas devenu un peu conservateur, tant dans ses idées que dans la forme de son comics, dit « indé ». Le jugement est d'ailleurs une constante dans le récit, à la fois pour s'en moquer, mais probablement aussi pour en tirer un véritable enseignement moral... une forme d'éclaircissement dans toute cette folie.

    Comme Burns, le style de Clowes est maintenant bien établi dans le petit monde de la BD, à tel point qu'il est commercialisé par Delcourt, qu'on lui décerne des prix... Il est vrai que, comme d'autres auteurs de la scène indépendante, il a renouvelé l'art de la BD... Mais ça date déjà du début des années 2000.

    Néanmoins, j'ai lu cette BD avec un réel plaisir. J'aime la dimension onirique, surréaliste de cette œuvre. J'apprécie son look. J'admire aussi le travail, le génie de son auteur, qui est parvenu à capter mon attention.

    Cette BD a su me transporter dans un monde parallèle. Comme la parabole d'une vie, à la Moebius... son récit oscille entre des périodes de bonheur et des périodes de crise, mais aussi entre la clairvoyance et la folie, le réel et l'irréel, l'ordre et le chaos...

    Au final, c'est une belle histoire d'enquête, à la fois mémorielle et existentielle, qui miroite dans les zones d'ombres, celles des interstices propres à la BD.

    A nous de recoller les morceaux.