118. C’est le nombre de femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, en France, pour la seule année 2022*. Ce jour-là, Morgane a bien failli être l’une d’elles lorsque son compagnon a tenté de l’étrangler, de la tuer. Comme trop souvent, au départ, l’histoire démarrait plutôt bien. Assez déterminé à la séduire, Yassine multipliait les marques de tendresse auprès de Morgane, la rendait heureuse et lui permettait de se sentir « protégée ». Franco-égyptien comme elle, il passe rapidement pour le gendre idéal auprès de son entourage, poli et attentionné. Tout va alors très vite : un emménagement, une grossesse… et le ciel qui, irrémédiablement, s’assombrit. Les premiers énervements deviennent les premières colères puis les premiers coups. L’engrenage infernal est lancé.
Mieux vaut que le bédéphile sache bien dans quoi il s’engage en abordant cet album. Cette adaptation de l’autobiographie de Morgane Seliman par Laurent-Frédéric Bollée a de quoi bouleverser le lecteur. Sur près de cent-cinquante pages, se déploie, mois après mois, une effroyable descente aux enfers. Car aux coups (déjà d’une gravité inouïe), s’ajoutent les menaces, la préméditation et la mise en place d’une emprise absolue. La lecture peut dès lors s’avérer difficile à encaisser, par séquences. Mais comment serait-il possible de détourner le regard ? Comment serait-il possible de ne pas mener le combat ? Témoignage indispensable, l'ouvrage ne fait que montrer la réalité. La triste réalité d’un homme violent et sournois, tout puissant, qui a méticuleusement brisé la vie d’une jeune femme.
L’histoire est également l’occasion d’évoquer les graves insuffisances du système judiciaire (même si depuis l’époque des faits, les lignes ont quelque peu bougé). Trop lent, trop frileux lorsqu’il s’agit de protéger les victimes qui, heureusement, peuvent trouver un précieux soutien auprès d’associations spécialisées.
C’est peu de dire que les planches de Francesco Dibattista, qui œuvre pour la partie graphique, sont parfois glaçantes. Explicites, elles donnent à voir la violence physique et psychologique de l’agresseur telle qu’elle est : brutale, méthodique. Un parti-pris nécessaire pour transmettre toute la profondeur du récit. L’artiste italien parvient toutefois à ne jamais tomber dans une forme de voyeurisme malsain. Sans détails superflus, les dessins vont à l’essentiel et visent juste, tout en recourant à quelques procédés intéressants (notamment des jeux de proportions) pour mieux restituer l’état d’esprit et les émotions de la victime.
Il m’a volé ma vie est un témoignage d’une grande intensité qui illustre l’une des pires manifestations de la domination patriarcale. Ne serait-il pas urgent de dire définitivement STOP ?
Note : 3919 est le numéro de Violences Femmes Info, numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Anonyme et gratuit, il est accessible depuis un poste fixe et un mobile en métropole et dans les DOM.
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* Nombre issu de l’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple 2022 publiée par le ministère de l’Intérieur.
En moyenne, le nombre de femmes âgées qui, au cours d'une année, sont victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques commises par leur conjoint est estimé à 244.000 femmes en 2022. Les trois quarts des victimes ont entre 20 et 45 ans. C'est un véritable problème de société qui entraîne plus d'une centaine de morts par an dans les cas les plus extrêmes.
La jeune Morgane va en faire l'amer expérience dans un calvaire abominable. Yassine l'a bat dans une terreur domestique quasi-quotidienne malgré la présence d'un enfant. Cette BD nous raconte son calvaire et surtout comment tout a commencé avant de basculer dans l'horreur.
Quand j'ai vu la première scène de leur rencontre, au beau milieu d'un match de football, j'avoue que ma première réaction a été le dégoût absolu mais visiblement ce sentiment n'est pas partagé par Morgane qui a manqué incontestablement de clairvoyance. Je ne dis pas que c'est sa faute mais elle aurait pu sans doute par un jugement plus sain s'éviter tous ces multiples ennuis. Certaines femmes aiment vraiment les bad-boys quand le monde est également rempli de gentils garçons. Je sens que je vais me faire allumer mais bon, c'est ce que je ressens. Certes, les apparences peuvent être trompeuses.
Pour autant, évidemment, je compatis au malheur de cette femme qui a été prise dans un engrenage infernal. Il lui faudra beaucoup de courage et de détermination pour en venir à bout ce qui peut donner de l'espoir pour d'autres femmes également victimes de ces beaux-parleurs infects ne respectant pas l'autre.
Cet Hassine est vraiment un type haïssable comme il en existe malheureusement des dizaines de milliers qui ne respectent pas les femmes. Le pire, c'est le combat judiciaire qui s'engage à la fin mais qui ne sera pas forcément gagné par la victime tant le système paraît incohérent et non protecteur.
C'est une BD évidement à lire et surtout pour les femmes afin qu'elles puissent mieux se défendre. Il s'agit de comprendre véritablement ces mécanismes subtils de l'installation de la violence au sein d'un couple car l'agresseur mène une véritable stratégie entre isolement, dévalorisation, inversion de la culpabilité, peur, secret et impunité.
Il serait temps que la Justice fasse son travail afin d'inverser le camp de la peur. Cependant, pour cela, il faudrait sans doute un peu plus de fermeté et une volonté manifeste d'aider ces pauvres femmes.