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athilda partage sa vie entre la faculté, les cours de dessin, son père musicien et ses amies, Inès, Johanna, Juliette ou encore Magalie. Elle oscille entre hauts et bas, selon les humeurs de chacune et chacun, les rencontres, les conversations commencées, pas toujours achevées. À l’atelier de peinture, elle croise et s’entiche de Nathan, autiste trentenaire, analyste-programmeur, vivant seul. Pour lui, les contacts avec autrui sont difficiles, d’autant plus que lorsqu’il s’attache aux gens, il a des visions de ce qui va leur arriver : une énorme charge mentale à gérer. Pour protéger son esprit, il ne voit plus ses parents et refuse toute histoire amoureuse. Tout ce petit monde va mal, chaque individu est confronté à l’espace insondable qui sépare ses propres aspirations et ce que lui propose la vie. Les relations parents-enfants sont orageuses, les émois ne sont pas réciproques, tout cela sur fond de réchauffement climatique et de collapsologie, posture qui consiste à croire la fin du monde imminente. Dans ce marasme ambiant, les uns et les autres tâchent de se construire une voie, en préservant un équilibre précaire. Tout déraille lorsque Juliette disparait.
Le prolifique Makyo (Balade au bout du monde, Je suis Cathare) au scénario et la jeune dessinatrice Sasa (Sophie) livrent un album sur et pour les adolescents. Leurs préoccupations font le cœur du récit. Celui-ci se déroule posément, louvoyant entre les attentes, les réticences, les frustrations, les surprises, les colères ou les déceptions des différents protagonistes. Les auteurs y passent quelques messages sur la confiance dans l’avenir et les responsabilités du présent. Ils posent la question de la normalité et celle de la différence. Hélas, rien de tout ceci n’est approfondi, aucun des personnages n’est suffisamment travaillé pour être marquant, les nœuds de l’intrigue restent suspendus, à attendre une suite ou un dénouement. Le rythme narratif est pourtant séduisant et apaisant, avec une lenteur maîtrisée, de nombreuses cases muettes et d’ambiance, des silences éloquents. La jeunesse est sans illusions, cette génération se sent perdue, elle peine à communiquer : oui, et puis ?
La frustration de la lecture trouve son reflet dans le dessin sans caractère de Sasa. Aucun défaut technique à pointer, mais il est répétitif et morne. Décors et accessoires sont négligés. D’importants à-plats servent la plupart du temps d’arrière-plan. L’œil s’y ennuie, comme l’esprit. C’est dommage, car bien des idées restent à l'état de germe. S’adresser à un jeune public ne doit pas être une raison pour aplanir, raboter, édulcorer ou arrondir les angles. Au contraire, ces thématiques demandent de l’énergie et de l’enthousiasme. Les deux font cruellement défaut dans ce passable Homme normal.
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