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L'escadron de Catherine de Médicis 1. La fille sage

29/05/2023 4231 visiteurs 7.0/10 (2 notes)

E n 1563, à l’abri du château lyonnais de son grand-père, Gabrielle perçoit, de loin, les échos des luttes intestines entre catholiques et protestants qui déchirent le royaume. Âgée de quinze ans, l’adolescente rêveuse est férue de romans de chevalerie et intriguée par Catherine de Médicis, la régente tant décriée. Elle partage ses journées avec Justine, sa cousine au tempérament plus rebelle. Quand Gabrielle apprend que sa marraine souhaite la présenter à la reine douairière, elle s’en réjouit, contrairement à sa mère et à son amie. Devenue demoiselle d’honneur, la jeune fille va découvrir, de l’intérieur, les réalités de la cour et le pouvoir de la séduction.

Une décennie après avoir reçu le prix Raymond-Lambert avec son co-auteur Julien Lambert pour le projet Edwin, le voyage aux origines (paru chez le Lombard en 2014), Manon Textoris revient à la bande dessinée comme autrice complète. Cette fois, elle propose un diptyque qui se déroule à l’époque des guerres de religion et invite au cœur du mythique « escadron volant » de Catherine de Médicis, sujet de fantasmes et de médisances. Assurément bien documentée, la bédéiste brosse un tableau vivant et nuancé de cette cour française de la deuxième moitié du XVIe siècle, notamment de cette régente et de ses compagnes dont la réputation sulfureuse provient surtout de leurs adversaires. En postface, Jérémie Foa, maître de conférences en histoire moderne, éclaire justement le rôle de ces dames dans la politique d’apaisement de la reine.

Dans La fille sage, le lecteur fait la connaissance de Gabrielle que le destin va entrainer dans le cercle le plus proche du pouvoir. Découpé en trois chapitres et porté par une narration fluide, le récit est celui d’un apprentissage. Ainsi, l’héroïne va de choix en découvertes, chacune de ses décisions la conduisant un peu plus loin dans le chemin très étroit et balisé réservé aux femmes durant cette période. Les limites liées à la place imposée à ces dernières sont bien évoquées, notamment à travers les trajectoires opposées des deux cousines, Justine servant de contre-exemple. L’éveil de la féminité, les premiers émois, la volonté de s’affranchir d’une manière ou d’une autre, les espoirs nés de perspectives prometteuses s’inscrivent également dans le propos, avec beaucoup de justesse. Cette même authenticité se retrouve dans les échanges entre les protagonistes.

L’histoire est portée par un dessin soigné. D’emblée, la précision des décors et des costumes régale l’œil, tout en témoignant de l’application de Manon Textoris. En cela, la restitution historique est pleinement réussie. Peu appuyé, le trait se révèle délicat et suffisamment expressif pour rendre le panel des émotions de la galerie de personnages, tous bien caractérisés. Grâce à un découpage efficace et à une mise en scène variant adroitement angles de vue et cadrages, les planches affichent une bonne dynamique d’ensemble. Scènes intimistes et vues plus larges se succèdent adéquatement, invitant à profiter pleinement de cette escapade temporelle. La mise en couleur ne gâte rien ; sur le papier épais et mat, les nuances possèdent un côté un peu suranné appréciable qui colle à l’ambiance. Enfin, les têtes de chapitre, présentant chacune un texte d’époque (dont l’origine est indiquée en fin d’album), sont joliment enluminées et ajoutent une touche poétique.

De belle facture, ce premier tome de L’escadron de Catherine de Médicis s’avère une lecture des plus plaisantes et enrichissantes, en plus de démontrer le talent de son autrice. À découvrir.

Lire la preview.

Par M. Natali
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

L'escadron de Catherine de Médicis
1. La fille sage

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Note: 3.5/5 (4 votes)

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L'avis des visiteurs

    Zablo Le 10/11/2024 à 12:28:53

    Encore une BD historique, sur la période des guerres de religion... Chic !

    Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas Catherine de Médicis (1519-1589, reine de France puis régente à trois reprises) que l’on voit sur la couverture, à la lumière d'une fenêtre ; mais bien un personnage fictif, Gabrielle, membre de « l’escadron » des demoiselles d’honneur de la reine mère. D’un trait élégant, Manon Textoris insiste sur la beauté de cette jeune femme, à la mode de l’époque, mais aussi sur sa passion pour la lecture (et je ne parle pas de la Bible...). Ses grands yeux écarquillés et son front assombri trahissent un sentiment mêlé, entre appréhension et fascination pour sa nouvelle fonction. Gabrielle semble marcher à contre-courant, par rapport aux courtisanes de la tenture en arrière-plan, flanquées de squelettes à l’image d’une danse macabre.

    Ainsi, la BD nous plonge immédiatement dans la vie politique de l’État monarchique au XVIème siècle : voyages, fêtes, diplomatie par les femmes, liens matrimoniaux, religion mais aussi espionnage, combats, « mauvaises lectures », galipettes et trahisons sont au rendez-vous. Ainsi, Manon Textoris déconstruit la légende noire autour de Catherine de Médicis, pour nous proposer une vision historique plus moderne de la reine mère. Car, cette dernière a eu un rôle important - mais équivoque - dans l'appareil monarchique, en particulier dans l’équilibre des forces du royaume, tiraillé entre le parti huguenot (protestants) et celui des ultras-catholiques.

    Mais, quand on parle de pouvoir à l'époque moderne, les hommes ne sont jamais très loin, avec des personnages de première importance comme Ruggieri, Montmorency, Villeroy, Condé, Coligny, De Guise etc. Or, La fille sage a pour mérite de mettre un peu de lumière sur les grandes oubliées de l’Histoire : les femmes. On y retrouve ainsi les discriminations - fondées sur des stéréotypes - qu’elles subissaient à l’époque (d'autant plus dans la noblesse), le rôle que leur attribuait cette société très religieuse (grosso-modo faire des enfants ou aller au couvent), mais aussi les façons dont elles pouvaient s'affirmer, s'émanciper, jusqu’à gouverner le royaume, comme le fait la reine-mère, non sans oppositions. Néanmoins, les réflexions de Gabrielle me semblent parfois un peu biaisées, alimentées par une vision très contemporaine des femmes.

    Lecture faite en parallèle à celle de la BD Charly (IX).

    Erik67 Le 12/09/2023 à 07:23:33

    Moi, je dis qu’il faut se méfier des filles trop sages car cela cache souvent un tempérament de feu. En l’occurrence, cette jeune femme courtisane sera propulsée dans la cour de la grande Catherine de Médicis qui tout de même a mis au monde trois futurs roi de France dans un contexte marqué par les guerres de religion.

    Pour rappel, Catherine, fille de Laurent de Médicis, épouse le futur Henri II (2ème fils de François 1er). Elle sera la mère des rois François II, Charles IX et Henri III. Elle gouverne la France en tant que reine-mère de 1560 à 1563.

    Dans ce tome, on verra qu’elle n’a de cesse que de trouver des solutions pacifiques afin d’éviter la guerre civile dans notre pays entre les Huguenots protestants et les catholiques. On verra également que cette scission est liée à l’intransigeance du clergé qui n’a pas voulu corriger ses excès. Encore une fois, on verra toute son habileté politique en œuvre. Elle avait également l’art de s’entourer par de bonnes personnes pouvant exercer un talent particulier même si parfois, elle pouvait s’adonner à l’astrologie.

    On a un beau portrait de reine ou plutôt de régente du royaume à ce moment précis de l’Histoire. Il est vrai que j’ai beaucoup d’admiration pour cette figure historique qui a marqué notre pays ne serait-ce par exemple que de commencer l’année le premier janvier et non à Pâques comme ce fut le cas auparavant. Je retiens surtout qu’elle a été l’instauratrice dans notre pays de la liberté de conscience car partisane d’une politique de conciliation avec les Protestants.

    On suivra notamment une jeune femme qui entre dans la prestigieuse cour de ses courtisanes espionnes. Elle est bien naïve au départ mais les intrigues finiront par la renforcer. Il faut dire que Catherine est un personnage assez controversé mais sa ligne de conduite parait tout à fait louable pour sauver la monarchie et l’unité du pays. On dit qu’elle ne reculait devant aucun crime afin de conserver son influence.

    Oui, on apprendra des choses assez intéressantes sur l’histoire mouvementée de notre pays. Les férus de récits historiques vont adorer sans pour autant devenir trop didactique.

    Le bonus est constitué par un graphisme tout à fait soigné qui colle à merveille à cet album qui pose bien les bases. La suite de cette chronique sociale et politique dans les prochains tomes !

    Au Fil des Plumes Le 02/04/2023 à 10:04:06

    Avec cette BD, le lecteur se retrouve en immersion en plein 16ème siècle. Ainsi, à travers les yeux de la jeune et innocente Gabrielle, nous allons découvrir les intrigues de cour et intégrer le fameux escadron de la reine mère.
    Le scénario est vraiment immersif. Dès les premières pages, je me suis retrouvée plongée dans une autre époque. Très vite, le lecteur comprend que le royaume de France est tiraillé entre les huguenots et les catholiques. Les tensions montent et des noms résonnent à nos oreilles: Coligny, Henry IV...
    Au côté de ces personnages emblématiques, nous faisons la connaissance de Gabrielle, notre héroïne. Cette dernière arrive à la cour, remplie de naïveté et de rêves. Elle va très vite se confronter à la réalité de la vie à Paris et devenir l'instrument de la politique de Catherine de Médicis.
    Ce premier tome, pose l'ambiance, le contexte historique ainsi que les personnages. Il installe subtilement les prémices d'une intrigue alléchante et éveille la curiosité du lecteur pour la suite.
    J'ai beaucoup aimé l'esprit graphique de Manon Textoris. Les traits sont vraiment très fins et délicats. Les visages font parfois penser à ceux des mangas. Les détails foisonnent tant dans les tenus que dans les décors. On sent très vite que l'illustratrice a fait un gros travail de documentation en amont. Le choix de la palette de couleurs permet également cette immersion dans une autre époque. J'ai eu cette sensation que tout avait été choisi avec soin.
    J'ai donc adoré me plonger dans ce premier tome et découvrir le travail de Manon Textoris.