L
’homme se dit silencieux, mais il est des silences qui valent bien des discours…
Une page blanche, un trait noir, des aplats qui le sont tout autant. Une ligne, puis une forme ; l’esquisse d’un mouvement, puis la vie. Au début, le verbe est rare ; puis progressivement, même si les silences prédéfinissent l’essentiel, seuls les mots - avec leur simpliste évidence ou leur pédantesque abstraction – peuvent en ciseler les contours pour en exprimer toutes les nuances.
Le jour, une foule hétéroclite aux motivations composites envahit les allées de cette gare devenue musée. Mais le soir venu, Les raboteurs de Caillebotte délaissent leur ouvrage, La Pensée d’Aristide Maillol se confit, L'Origine du monde se fond dans la nuit et Berthe Morisot guette à la fenêtre celui qu’elle fascine, tandis que Les Célébrités du Juste milieu jouent les commères...
Christophe Chabouté possède l’art et la manière de transposer sur le papier, les émois de la psyché de ses personnages et le mystère des lieux. D’une incroyable simplicité, mais d’une évidente justesse, il dessine les visiteurs et les visités avec une profondeur et une précision qui revêt une forme d’aboutissement. Tout est dit, en peu de mots, en une séquence, en quelques planches.
Par bien des égards Musée est, à l’image des tableaux et sculptures qu’il dépeint, le fruit d’un processus individuel d’interprétation qui transcende le quotidien et acquiert une dimension artistique au travers de l’émotion suscitée.
À lire avant d’aller se perdre à Orsay et de secrètement espérer pouvoir y passer une nuit à câliner L’Ours de François Pompon ou à se consumer pour Madame Rimsky Korsakov.
Chabouté excelle dans le sensible, l'insaisissable, l'impalpable. Son dessin, ses angles de vue, ses personnages n'ont pas besoin d'être accompagnés de paroles pour que l'on soit touché par eux. Ici le texte arrive à mi parcours, mais il est presque superflu. Son trait possède de la magie pour que l'on soit emporté de cette manière. Un personnage qui penche la tête, un regard, un soulèvement de sourcil, et l'histoire commence. Merci :
Chabouté est un auteur que je suis depuis mes débuts de lecture en matière de bande dessinée. C'est un auteur qui a su gagner en profondeur et en maturité au fil de ses œuvres que j'ai régulièrement acquises.
Le point d'orgue aura sans doute été son œuvre « tout seul » en 2008 qui m'avait énormément marqué pour son côté mutique mais tellement lourd de sens. Pour autant, j'ai un peu laissé tomber ces dernières années sans doute happer par d'autres auteurs d'une résolution plus moderne. Par la suite, l'auteur avait poursuivi dans diverses productions sentant un peu le réchauffé mais sans connaître le génie de tout seul.
Et puis, il y a eu la sortie de « Musée » en mars 2023 avec le succès qu'on lui connaît. Je n'ai pas réussi à emprunter cette BD à ma médiathèque tant il y avait des réservations dessus. Une fois n'est pas coutume, j'ai directement acquis celle-ci en me basant sur mon expérience passée ainsi que sur vos avis pour la plupart dithyrambiques.
On peut dire que « Musée » renoue avec « Tout seul » dans l'esprit avec cependant des dialogues qui vont apparaître assez tardivement. Il est encore question d'images contemplatives ayant pour cadre le musée d'Orsay dont j'avais gardé un très bon souvenir de mes 20 ans. J'ai adoré la réplique sur la Joconde qui se trouve au Musée du Louvre, celui dont tout le monde se focalise. Cette ancienne gare transformée en musée vaut le coup d’œil.
Là encore, il y a beaucoup d'images parfois répétitives mais les dialogues souvent anodins cachent en réalité une certaine réflexion sur le comportement des uns et des autres et surtout le regard que les visiteurs peuvent avoir sur l'art en général. C'est assez juste dans le ton.
Je regrette juste l'emprunt d'une idée que Jean Dytar avait abondamment exploité dans « les tableaux de l'ombre » quelques années plus tôt en 2019 à savoir l'animation des personnages de ces œuvres du Louvre qui sortent la nuit à l'abri des regards tel des fantômes. Bref, l'idée n'est pas originale car reprise. Mais bon, passons car le charme opère quand même !
A noter que la couverture nous montre un célèbre tableau mais il n'en sera point question car on se consacrera sur d'autres œuvres artistiques sans doute moins emblématiques à l'exception de l'auto-portrait de Rembrandt. Pour autant, les véritables acteurs seront des personnages plutôt secondaires.
Bref, je ne regrette pas mon achat qui m'a permis de retrouver un auteur de talent non seulement part le dessin mais par la mise en scène véritablement sublime qui rend la lecture assez agréable. En conclusion, on a droit à un véritable hommage rendu au musée d'Orsay mais sans le côté pédagogique de rigueur ou l'approche culturelle assez rébarbative. Un exploit en somme !
Jouissif avec plein de personnages bien reconnaissables, un excellent scénario écrit avec humour et un magnifique graphisme. j'adore !
La meilleure BD à ce jour de Chabouté. Un conte poétique, humaniste et tendre qui parle des deux collections du Musée d'Orsay : les œuvres d'art mais aussi les visiteurs. Une réflexion philosophique sur la vie, la mort, l'amour, l'absurdité de l'existence, .. Une suprême respiration entre pages muettes et pages avec dialogues. Une œuvre universelle où l'humanité de chair et de sang et celle de toiles et de pierre nous expliquent avec une fausse naïveté que la vie est belle dans sa diversité. Et comme d'habitude, une maitrise totale du noir et blanc, déclinée à travers les scènes diurnes et nocturnes. Et la fin où Berthe Morisot finit par rencontrer le promeneur entraperçu sous les fenêtres scelle la fusion des deux mondes, dans un amour absolu.
Du très grand Chabouté. Au travers des échanges entre les statues et les peintures du musée d'Orsay, qui tous les soirs prennent vie pour commenter à leur manière l'attitude des nombreux visiteurs de la journée, Chabouté, tel un magicien, porte un regard tendre, naïf mais parfois critique sur notre monde. Une parfaite réussite