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l est des hommes qui semblent avoir vécu mille vies en une seule. C'est le cas de Mario Marret. Son parcours est si extraordinaire qu'il a subjugué la podcasteuse Nina Almberg. Après lui avoir consacré des documentaires audios, la scénariste décide de passer à une version graphique, tant elle a amassé de matériaux sur cet aventurier de la seconde moitié du XXème siècle.
Mario est un jeune apprenti influencé par les milieux anarchistes qu'il fréquente assidument. Tant et si bien qu'il se mêle aux réfugiés du conflit civil espagnol, afin de mieux connaitre leur sort et en témoigner dans un journal. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il devient opérateur radio, puis il intègre l'OSS, le service de renseignement américain ancêtre de la CIA. Il redevient ensuite radio, mais pour les expéditions polaires de Paul-Émile Victor. C'est à cette occasion que nait, par hasard, sa passion pour le cinéma. Les images filmées sur place deviennent le film Terre Adélie. S'ensuit un deuxième, Aptenodytes Forsteri, qui est sélectionné au festival de Cannes. Ensuite, les lecteurs retrouvent Mario dans les années 1960 en pleine lutte d'indépendance guinéenne. Sur place, il filme la guerre au plus près. Son engagement cinématographique et politique fait qu'il participe aux Groupes Medvedkine tout en menant une carrière de cinéaste institutionnel pour gagner sa vie. Enfin, une décennie plus tard, c'est en psychanalyste autodidacte près d'Aix-en-Provence qu'il s'épanouit.
Mario Marret est un curieux personnage. Il a cloisonné les différentes vies qu'il a vécues. Les évènements qu'il a connus l'ont marqué et parfois changé, bien que ses idéaux soient restés les mêmes. Un tel parcours est fascinant. La scénariste a longtemps travaillé pour mieux saisir cet homme, tant et si bien qu'elle en est devenue une spécialiste. Le choix de respecter la séparation des vies de Mario évite le déroulé classique de la chronologie et correspond d'autant mieux à ce que fut son existence. Ainsi, la singularité de ses quatre parcours est respectée. Les faits sont livrés sans jugement des auteurs ; aux lecteurs de se forger leur propre opinion sur le personnage.
Graphiquement, le trait de Laure Guillebon est magnifique. Constitué d'un subtil mélange de douceur et de réalisme, il colle parfaitement à l'histoire. Pour un premier travail en bande dessinée, c'est absolument remarquable.
Ce roman graphique lève le voile sur un homme singulier, fidèle à ses idéaux et à ses engagements. Les lecteurs tiennent entre leurs mains une biographie originale et magnifiquement mise en image.
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Je ne connaissais pas Mario Marret tout comme le grand public. Cette biographie a été l'occasion de me rattraper sur cette lacune culturelle.
On va découvrir successivement les quatre vies bien différentes de cet homme qui a été espion anarchiste durant l'époque de la Seconde Guerre Mondiale, puis explorateur polaire après la guerre, cinéaste limitant et enfin psychanalyste à la fin de sa vie. Il existe des hommes qui peuvent se transformer tout le long de leur vie et s'adapter un peu comme le caméléon.
C'est un très beau parcours qui puise dans une valeur commune à savoir celle de prendre la défense des plus faibles et de le montrer au monde par le biais du cinéma. Le côté anarchiste va s'effacer au profit de celui d'un militantisme au profit de la classe ouvrière exploitée par le patronat et qui luttent pour ses légitimes droits.
Chacune des vies semblent être totalement différente dans son approche. Ainsi, la première est un véritable roman d'espionnage pour contrer la menace nazie après avoir fait la guerre d’Espagne pour lutter contre les fascistes. On passe ensuite à une sorte de documentaire sur la banquise pour la préservation de la Nature. Puis, il y a cet aspect cinéaste militant qui intervient sur les radios pour défendre la cause.
Je reconnais que c'est une belle biographie mais j'avoue ne pas avoir été plus passionné que cela malgré tout. Il y a toujours des personnages auxquels on s'attache et d'autres un peu moins.
Au niveau du graphisme, c'est une aquarelle aux couleurs assez douces qui rendent la lecture aérée et assez agréable dans son ensemble.
Pour le reste, c'est une destinée qu'on rêverait tous d'avoir ou presque. Cela reste une icône pour les militants.