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ux USA, une fois condamné pour un crime sexuel (viol, attouchements, pédophilie, etc.) et déclaré Sexual Predator, l’individu est marqué à vie, même après avoir purgé sa peine de prison. Interdiction de vivre à moins de trois cents mètres d’une école, obligation de se signaler à la police, etc. Sous ces conditions, est-il possible de retrouver un travail ? Où habiter et, plus simplement posé, comment continuer à vivre ? La société n’en veut logiquement pas près d’elle. À la place, elle détourne le regard et feint de les ignorer, à défaut de pouvoir les faire disparaître. Certains se retrouvent rassemblés par défaut dans des communautés en périphérie des centres urbains. Parias modernes, seules quelques rares ONG ou églises les accompagnent et les aident.
Contrition en Floride est un de ces lieux et quand un incident y est signalé, ce n’est pas une priorité des autorités. C’est le cas de cet incendie dans lequel Christian Nowak, un pédophile, a été retrouvé brûlé vif. Il avait trop bu et une cigarette a mis le feu à son gourbi : fin du rapport. Pourtant, en écrivant un papier pour le journal local, Martha subodore que l’affaire est un peu trop cousue de fil blanc,. Comme s’il s’agissait d’un meurtre maquillé… Par qui ? Pourquoi ? La victime est-elle seulement celle qu’elle prétend être ? Contre l’avis de son rédacteur-en-chef et au grand désarroi de son mari, elle débute une enquête potentiellement explosive.
Sujet social on ne peut plus dérangeant, aux implications graves et difficiles, la «gestion» des criminels dangereux, particulièrement dans des cas sexuels touchants les mineurs, est une problématique hautement délicate. C’est encore plus le cas quand il y a volonté d’aller au fond des choses en évitant le procès d’intention ou la bien-pensance moralisatrice. C’est exactement ce que proposent Carlos Portela et Keko dans Contrition, sous la forme d’un thriller haletant et sans concession.
Les hommes du lieu sont coupables. Personne, eux en premier, ne le nie. Le Bien, le Mal, la question n’est pas là. En suivant Martha, le lecteur découvre une réalité parallèle, un étrange endroit orwellien où la liberté n’est qu’un leurre. «Une sorte de purgatoire», comme le suggère un des protagonistes ? «Non, les limbes», lui répond son camarade. «Ici, il n’y pas d’espoir». À partir de ce constat lapidaire, Portela a tissé une intrigue digne des meilleurs polars du répertoire. Car, oui, sous sa thématique malaisée, il s’agit surtout d’un excellentissime roman noir dans les règles de l’art. Keko le met en image d’une façon pas moins magistrale en usant d’un style à la limite de l’expressionnisme. Les protagonistes et tout l’album baignent dans une atmosphère vaguement ultra-réaliste altérée par l’âpreté d’un quotidien sans lendemain. Le programme n’est pas joyeux, mais quel ressenti et force d’évocation !
Un propos fort et intelligemment traité, porté par un découpage et une mise en scène droits et sans effets de manches inutile, le tout intimement intriqué et impeccablement exécuté, l’ouvrage dépasse et sublime son statut de fiction policière journalistique. Complexe, tragique et implacable, Contrition est une œuvre majeure dont il est impossible de sortir indemne. À découvrir d’urgence.
Un prédateur sexuel en polo rayé...
Tout en contraste, l'histoire de ce polar gravite autour d'une immolation. L'événement a lieu dans un quartier résidentiel américain assez spécial, car y habite des délinquants sexuels...
De mon point de vue, le principal intérêt de cette BD c'est ses sujets forts : pédophilie, cyberharcèlement, justice... mais aussi famille, ghettoïsation, investigation, stéréotypes, religion.
Le scénario, de Carlos Portela, assez bien mené, traite de ces thématiques avec justesse et ingénuité. Néanmoins, c'est un peu lent à se mettre en place et il n'y a pratiquement aucune scène d'action ni de grand coup de théâtre.
Côté graphisme, si les personnages sont représentés dans le style BD le plus pur, les décors eux sont calqués sur des photographies. Tout est en noir et blanc, avec des aplats noirs, mais aussi des hachures, des pointillés et autres textures particulières. C'est assez stupéfiant...
Cependant, je ne sais pas si c'est le flou des images ou à cause d'un effet moiré, mais j'ai eu une migraine au bout de 10 minutes de lecture. Cela étant dit, le thème n'est pas des plus léger non plus....
Au final, que ce soit le scénario ou bien les graphismes, cette BD est assez peu divertissante. Par contre, elle a su me bousculer un peu, m'apprendre deux ou trois choses, me faire réfléchir.
Au fond, comme pour l'effet de chiasme de la couverture, sa lecture est assez...
Incommodante.
Attention, c'est juste un mélange d'enquête (une de plus !) et de récit de vengeance (un de plus !). Pour moi, les auteurs sont complètement passés à côté de leur sujet.
Avec des pages de gardes striées de noir & blanc qui troublent la vision, le ton est tacitement donné dès le début : le contenu sera dérangeant.
En effet, il est beaucoup question de pédophilie dans « Contrition ». Mais l’immense richesse de l’album est que l’auteur s’en sert comme d’une matière à réflexion pour interpeller le lecteur et nourrir un scénario palpitant, digne des meilleurs thrillers.
L’action commence à Contrition Village, communauté américaine où les pédo-criminels tentent de se réinsérer après avoir purgé leurs peines. Quand l’un d’entre eux s’immole par le feu, une journaliste flaire que derrière la thèse officielle de la police se cache une tout autre affaire… Elle va alors mener une enquête passionnante et découvrir une vérité beaucoup plus profonde et insaisissable. Le lecteur va être happé en même temps qu’elle dans un tourbillon de rebondissements et de questions dont les réponses, forcément ambivalentes, ne seront jamais satisfaisantes ; comme par exemple : « jusqu’où les gens peuvent-ils agir sous l’emprise d’une autorité néfaste ? » ou « faire de mauvaises choses fait-il de vous une mauvaise personne ? ».
L’intelligence de l’écriture est redoutable et nous préserve de tout pathos, tout parti pris polémique ou politique. Un pur plaisir de lecture.
Carlos Portela et Keko (dessinateur de la prodigieuse « Trilogie du Moi ») signent une œuvre extrêmement puissante, aussi fine que complexe. Un grand roman graphique.
A mon avis, faut le lire après avoir lu "Perpendiculaire au Soleil".
On suit une enquête journalistique sur fond de rémission / contrition des différents pédophiles que "composent" cette histoire.
Est-ce que le pardon est possible? est-ce que la rémission est possible? Est-ce que l'homme a le droit à une seconde chance?
Et bah ce livre nous dresse un tableau de l'ensemble de ces questions.
C'est passionnant, mais ce n'est pas aussi noir que le dessin peut le laisser imaginer.
Je suis presque un peu déçu, mais en même temps surpris, car le scénariste et le dessinateur ont pris une certaine hauteur, voire pudeur, dans le traitement du sujet.
La violence est psychique, psychologique plus que physique... pas besoin de dessiner la violence quand on peut la ressentir!
C'est très réussi. A lire!