Du mouvement de la Terre 1. Livre 1

E urope occidentale, début du XIVe siècle. Dépositaire du pouvoir moral et intellectuel, l’église catholique impose sa foi comme seule vérité. Gare à ceux qui discuteraient les principes du dogme ! L’Inquisition veille et n’hésite pas à utiliser tous les moyens afin d’étouffer les penseurs qui oseraient mettre en question son savoir. La Terre est au centre de l’univers et les astres tournent autour, telle est la volonté de Dieu. Loin de ces opinions, Rafal se réjouit d’entrer à l’université dans le but d’étudier la théologie. Pourtant, ses certitudes si profondément ancrées en lui se fissurent après avoir croisé Hubert, un astronome ayant subi les affres du tribunal de l’église. Pour ce dernier, l’héliocentrisme est une évidence et il convainc le jeune homme de continuer sa quête et affiner ses observations. Rafal osera-t-il risquer de tout perdre ? Préférera-t-il plutôt se ranger du côté du pouvoir ?

Arrivant en Europe auréolé de nombreux prix, Du mouvement de la Terre propose de retracer la lutte sans merci entre l’église et les proto-scientifiques à la sortie du Moyen-âge. Les découvertes de Galilée sont bien connues, ses déboires également. Uoto a choisi la voie du conte initiatique dramatique en suivant le destin de Rafal. Le scénario, dépouillé de toutes considérations réalistes et géographiques, se concentre principalement sur une poignée de personnages. Psychologies exacerbées, réactions et prise de conscience à l’unisson, la narration tranche littéralement le débat. Pour autant, l’auteur réussit à éviter toute forme de caricature. Sa simplification extrême du cadre et du contexte, lui permet de se focaliser quasiment uniquement sur ses protagonistes. Il en ressort une description chirurgicale des réactions et des dilemmes vécus par sa distribution. Le héros, son père, Hubert le déchu, l’inquiétant Novak : la table est mise pour huit tomes d’un affrontement de tous les instants.

Visuellement, le dessinateur suit à peu près la même voie que le récit. Trait sobre et décors limités (sans être bâclés) laissent à la mise en scène la tâche de rythmer et dynamiser les échanges. Celle-ci se révèle enthousiasmante de précision et d’efficacité. Les peurs, les défis et le combat philosophique entre croyances et faits observés sont montrés avec une puissance et une force d’évocation palpable. Résultat, en dépit d’une certaine aridité dans le propos et la manière, le message passe et fait véritablement froid dans le dos quand l’étau (à prendre en sens littéral) commence à se resserrer sur le jeune étudiant.

L’émergence de la pensée critique et de la méthode scientifique sont des moments-clef de l’Histoire universelle, Du mouvement de la Terre prend à bras le corps cette problématique et la transpose dans un véritable thriller psychologique à couteau tiré. Impressionnant.