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La synagogue

17/02/2023 2085 visiteurs 6.5/10 (2 notes)

A lors qu’il est cloué au lit par la covid, Johann Sfar se souvient de son enfance, à Nice, au terme des années 1980. Orphelin de mère, il vit seul avec son père, un homme pieux. Pour échapper aux interminables heures de prières à la synagogue, il joint les rangs d’un groupe de malabars, chargé de mener la garde devant les lieux de culte. S’initiant aux sports de combat, il se découvre une passion pour l’activité physique.

L’auteur du Chat du rabbin propose un récit initiatique inscrit entre la fin de son adolescence et le début de son âge adulte. Le texte questionne particulièrement le poids de l’héritage culturel et familial. Pour celui qui est né en 1971, la Shoah apparaît à la fois lointaine et omniprésente. Des délinquants au crâne rasé se font entendre bruyamment. Ils sont jeunes, un peu cons, probablement pas si méchants et parfois même conviviaux. Les Jean-Marie Le Pen et autres Jacques Médecin de ce monde l’inquiètent bien plus. Ces derniers ont accès à des tribunes, et se permettent des déclarations discutables. Le bédéiste n’a aucune indulgence pour eux. En fin d’album, il présente un dossier d’une trentaine de pages de coupures de presse consacrées à divers attentats antisémites, c’est sa façon de témoigner de son ras-le-bol.

S’entraînant pour faire valoir sa cause avec ses poings, l’artiste réalise qu’il pourrait y perdre une agilité essentielle à son métier d’illustrateur. Il choisit donc de défendre ses idées à la pointe du pinceau, à visage découvert, sans félin pour porter son propos. Il n’en est pas à ses premières expériences autobiographiques ; l’exercice actuel est cependant beaucoup plus construit que celui de ses Carnets, lesquels s’apparentent davantage au journal intime.

Bien que le thème soit sérieux et engagé, le scénariste y distille des notes d’humour. Il n’y a pas lieu de rire à gorge déployée, mais le sourire répond toujours présent. Le héros paraît sympathique et le ton demeure léger.

Johann Sfar produit dans une sorte d’urgence, comme le démontre son abondante bibliographie. De fait, son dessin n’est pas le plus abouti et ses décors se montrent souvent sommaires. Toutefois, l’émotion se veut toujours juste et le détail révélateur. Malgré une économie de moyens, il traduit efficacement son message dans les cases et les bulles. Les couleurs très lumineuses de Brigitte Findakly contribuent du reste à donner de l’éclat au projet.

Une histoire touchante et agréable à lire, incitant à la réflexion ; peut-être le livre est-il un tantinet trop long.

Par J. Milette
Moyenne des chroniqueurs
6.5

Informations sur l'album

La synagogue

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 14/10/2023 à 09:33:40

    Je me suis petit à petit détourné des œuvres de Joann Sfar. J'aimais beaucoup ce qu'il faisait au début avant de connaître un immense succès avec le chat du rabbin qui l'a conduit jusqu'au cinéma. J'ai retenté une approche à travers ce dernier titre et visiblement, cela a bien fonctionné puisque j'ai renoué.

    On s’aperçoit que des jeunes de 17 ans sont engagés par la communauté juive pour se jeter sur d'éventuels terroristes afin de protéger coûte que coûte la synagogue. Voilà le ton est donné dès les premières cases de cet album. Cette protection est liée à un attentat intervenu il y a plus de 43 ans rue Copernic à Paris qui avait fait 4 morts.

    J'ignorais que l'auteur avait failli mourir du COVID à seulement 49 ans. Il est vrai que ce virus a fait plus de 7 millions de morts sur l'ensemble de la planète et qu'on est vite passé à autre chose sans se sentir horrifié par ce chiffre vertigineux. Comme dit, il faut savoir tourner la page pour ne pas rester accrocher constamment à un événement négatif et vivre dans la peur. L'auteur profite d'ailleurs de sa convalescence sur son lit d'hôpital pour raconter un épisode de sa vie d'adolescent.

    Il insiste sur les actes antisémites commis en France depuis sa propre naissance dont on verra un glossaire en fin d'album. Dans cette météorologie anti juive comme il l'appelle, on notera à la date du 10 avril 2022 où Marine le Pen est qualifiée au premier tour de la présidentielle pour le second tour. Ses 13 millions d'électeurs apprécieront sans doute mais on sait que l'auteur est un engagé contre l'extrême-droite. De manière générale, on peut comprendre l'inquiétude légitime des juifs de France qui souhaitent privilégier la vigilence.

    L'holocauste est souvent abordé comme si ce mal absolu servait de justification à toutes les actions d'auto-défense près d'un siècle après ce qui peut poser question. Il sera d'ailleurs question du passage de l'auteur dans le monde de la sécurité et l’entraînement aux sports de combats.

    A chacun sa conviction pour peu qu'elle soit bien défendue. J'ai vu beaucoup de contradiction dans cette œuvre comme le non-recours à la violence mais le fait de s'y employer quand même, père et fils compris. Certes, il existe des situations où on n'a pas trop le choix et on recourt à l'extrême face à la brutalité de notre monde.

    Maintenant, j'ai apprécié certaines réflexions qui m'ont paru justifiées dans ce long bavardage qui demeure sincère et intéressant, voire parfois touchant. Je ne suis pas certain que cette œuvre puisse faire un consensus parmi les lecteurs de toutes les communautés. A vrai dire, je n'aime pas trop le terme « communauté » car cela divise le pays qui n'en n'a certainement pas besoin. Le racisme et l'antisémitisme sont malheureusement répandus dans toute la société.

    Quoiqu'il en soit, j'ai bien aimé cette œuvre malgré tout car il constitue un témoignage honnête d'une situation assez difficile ainsi qu'un appel à plus de fraternité par l'un des plus grands noms de la BD française.

    Eric DEMAISON Le 04/10/2023 à 18:32:30

    Ce n'est pas le livre du siècle mais c'est quand même un livre intelligent. Le rapport de l'extrême droite avec la population juive est ici décrite à travers l'expérience juvénile de l'auteur qui dans les années 80 montait la garde près de la synagogue de Nice.
    C'est un peu distancié comme toujours chez Sfar, il n'y a pas les bons sous toutes les coutures et les irrémédiablement mauvais, l'auteur est plus nuancé, même s'il choisit clairement son camp.
    Le récit aurait peut être gagné à être plus construit car j'ai eu l'impression que l'album est sorti d'un seul jet. C'est dommage.
    A lire pour mieux identifier les tendances nauséabondes de nos sociétés.