B
ob Morane s’est retiré dans son fief de Dordogne, histoire de souffler un peu. Il a néanmoins accepté de donner une interview exclusive à Sophia. Évidemment, avec un tel baroudeur, l’aventure n’est jamais loin et il se trouve qu’un vortex temporel s’est ouvert dans sa cave à vin. Ce sont des choses qui arrivent, n’est-ce pas ? Ni une, ni deux, une mission d’exploration est mise sur pied. Les premiers indices montrent que ce portal pointe vers le Yucatán à la fin du Crétacé ! L’excitation est au plus fort et ferait presque oublier une question cruciale : qui est donc derrière cette extraordinaire singularité ? Arrivé trop tard pour se joindre à l’équipée, Bill décide de mener son enquête personnelle afin de remonter à la source du phénomène.
Après Les 100 démons de l’Ombre jaune, Les prisonniers du temps est le second tome du reboot des aventures de Bob Morane signé Christophe Bec et Corbeyran. Cette reprise classique façon Blake et Mortimer replonge les lecteurs dans l’âge d’or de la série créée par Henry Vernes. Beaucoup d’action, du fantastique et ce mélange délicat d’humour et de franche camaraderie sont au programme. L’intrigue repose sur pas grand-chose et utilise des ressorts bien établis depuis les années cinquante. Résultat, au fil des péripéties, l’ombre de Jean-Michel Charlier n’est jamais loin. Reste un souffle épique certain et le plaisir coupable de massacrer des troupeaux de dinosaures à la mitrailleuse et de s’échapper in extrémis des pires situations avec élégance et sans défaire son brushing.
Si le fond sent bon la Quatrième République, Paolo Grella tente comme il peut d’apporter un peu de modernité à l’affaire. Mise en scène dynamique osant les bords perdus et découpage tendu lui permettant de s’illustrer avec de grandes compositions léchées (l’épisode souterrain de Bill est superbement rendu, par exemple). Raideur et manque d’expressivité, pour ce qui est des personnages, le constat est malheureusement moins probante. Le dessinateur ne semble pas encore avoir réussi à totalement s’accaparer ses acteurs. Rien de très grave, mais le décalage entre des décors flamboyants et ces visages façon statue de cire se fait remarquer au fil des planches.
Le contrat était de faire du Bob Morane «à l’ancienne», il est parfaitement rempli et avec les honneurs. Pour ce qui est de la pertinence de l’entreprise en elle-même, au lecteur de se faire sa propre idée.
Un album splendide avec un scénario carré signé Bec et Corbeyran et des dessins sublimes de Paolo Grella. La fin annonce clairement une suite que j'attends avec impatience !