I
l y eut d'abord Agata, puis Lucia et Rosalia. La première fut isolée dans un sanatorium parce qu'elle était la fille de la comtesse Trigona, assassinée par son amant. La seconde fut tondue pour avoir côtoyé des soldats ennemis. Enfin, la troisième a osé témoigner contre la mafia auprès du juge Borsellino. Que sont-elles devenues ? Ont-elles mérité leur funeste destin ?
Nine Antico (Il était 2 fois Arthur) brosse, dans ce roman graphique, un portrait de société révélateur de la condition féminine dans un monde dirigé par la morale, la religion, la guerre et la corruption dans l'Italie du XXème siècle. Elles étaient trois jeunes filles portant des prénoms de saintes célèbres. Elles ont vécu comme des martyres, sacrifiées sur l'autel des valeurs de cette époque. En suivant ce trio de nouvelles inspirées d'histoires vraies, l'auteure dépeint le sort des femmes de la tradition patriarcale. L'enfant cachée, l'adolescente coupable ou la combattante anti-mafia : chacune remonte le temps et fait comme un écho à sa madone respective, sainte Agata de Catane, sainte Lucia de Syracuse et sainte Rosalia de Palerme. La dichotomie entre Madones et putains qui fixe le regard masculin sur le sacré et l'infâme n'apparait pas justifiée et l'autrice dénonce ainsi ces crimes «d'honneur» légitimés de cette manière. Avec la précision d'un documentaire et la liberté de la fiction, cet entrelac des faits avec le fantastique n'est pas toujours évident à suivre car il n'y a pas de transition visuelle ou littéraire, cependant cela n'entame en rien l'intelligence du scénario.
Le graphisme en noir et blanc accentue la dureté du ton, avec des contours épais, charbonneux et spontanés : «trop de traits casse le dessin, ils viennent souvent bloquer les émotions des personnages». Chaque chapitre s'ouvre sur une illustration en couleur avec des rideaux rouges, comme pour introduire une tragédie. Des phylactères en italien, non traduits, sont disséminés pour «faire chanter les planches et créer une immersion». L'artiste s'est en fait inspirée des santines qui racontent une histoire en une seule image, des miniatures et des dessins de Gustave doré. Les visages sont expressifs et les décors, inquiétants.
Mise à part une narration complexe par moments, cet ouvrage teinté de macabre mérite le détour pour son sujet original et passionnant.
Nine Antico raconte trois histoires de femmes, dans la société bigote d'Italie méridionale.
Après une première lecture, c'est la dernière histoire, celle de Rosalia, qui témoigne contre la mafia, qui m'a le plus touchée. Une deuxième lecture est nécessaire pour comprendre les autres nouvelles.
Le trait contrasté de l'autrice, gras pour les décors, mais délicat pour les visages des héroïnes, contribue à nous transporter dans cet univers, machiste et sombre.
Cependant, je n'ai pas été immergé complètement dans ces récits, assez complexes. La narration et le découpage ne m'ont pas permis de me faire une idée précise du déroulement des faits, ni d'en comprendre véritablement les structures. La variation entre des parties réalistes et d'autres plus fantastiques, comportant des zones d'ombre, m'ont surpris sans me convaincre.
Dans un autre registre, j'ai été plus profondément marqué par le reportage filmé sur le maxi procès de Palerme, auquel fait référence l'ouvrage, ou encore par la BD d'Ulli Lust, qui m'a réellement bouleversée.
Néanmoins, c'est un bouquin intéressant et Nine Antico sait transmette des émotions au travers de son style graphique, qui se différencie nettement d'autres autrices, comme Catel ou Bagieu par exemple.
Je crois savoir que les madones et les putains ne font pas bon ménage. Mais bon, très souvent dans la réalité et loin de l'hypocrisie ambiante, ce sont bel et bien les mêmes femmes. C'est en tout cas la thèse de cette BD initiée par Nine Antico, une autrice italienne.
Elle va nous conter trois nouvelles présentant à chaque fois un portrait de femme dans l'Italie du XXème siècle à des époques un peu différentes. On se rendra compte également de toute l'évolution de la société italienne. Agatha, Lucia et Rosélia vont connaître un destin pour le moins tragiques à cause de l'Histoire. Trois saintes qui vont être sacrifiées sur l'autel d'une société soi-disant bien-pensante mais profondément machiste.
La Seconde Guerre Mondiale a laissé beaucoup de traces. On se rendra compte également de l’émergence des mafias peu après la période fasciste. J'ignorais que les américains avaient permis l'émergence de celle-ci.
Je ne cacherai pas que je n'ai pas du tout aimé l'aspect graphique qui fait qu'on ne rentre pas aussi facilement dans la lecture de ces différents récits. Or, c'est important qu'une BD soit bien dessinée. La forme a toute son importance.
A noter qu'il y aura une incursion du fantastique dans un mélange de genres mais également une métaphore à distinguer pour bien comprendre le sens du récit concernant Lucia. Bref, on peut s'y perdre aisément.
Au final, j'en ressors avec une lecture mitigée car je n'ai pas plus accroché que cela pour les raisons invoquées. Pour autant, on peut apprendre des choses assez intéressantes sur la religion, la mafia, la guerre.
L'histoire de 3 femmes, de Sicile ou de Naples, du XXème siècle, qui sont aux prises d'un monde étouffant parce qu'elles sont femmes, et que la société les "cadenassent".
Indiscutablement ce livre a une qualité graphique qui me rappelle par moments Baudoin. Le dessin est très beau et nous amène à des planches qui sont somptueuses et accélèrent le récit. C'est manifestement le plus grand intérêt de ce livre. Pourquoi ces pays méditerranéens sont si beaux et authentiques en noir et blanc?
Pour les histoires, il ne faut pas s'arrêter après une première lecture hâtive. Ce livre mérite d'être relu, re-parcouru. On y découvre alors une réelle complexité. La dimension surnaturelle des première et deuxième histoires y prend toute sa place.
Nine Antico une autrice que je vais suivre!