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anoï, 1953. Minh, jeune étudiant aux Beaux-Arts, mène une vie de bohème privilégiée faite de culture et de plaisir. Peu intéressé par la politique, il est néanmoins rattrapé par la réalité du conflit fratricide qui commence à déchirer son pays. Obligé de fuir la capitale pour éviter la conscription, il se réfugie dans son village natal où il pense être en sécurité. Arrivé sur place, la situation est toute autre, l’Armée populaire d’Hô Chi Minh a déjà investi l’endroit ! Bourgeois et lettré, il représente tout ce que les Communistes honnissent. Afin de sauver sa peau, il se fait passer pour un sympathisant de la cause du peuple et, comble de l’ironie, s’engage chez les Rouges. Débute alors une longue et éreintante campagne révolutionnaire sanglante qui s’achèvera à Diên Biên Phu, lors de la célèbre bataille.
Après avoir raconté en mode autobiographique la Guerre du Vietnam (Une si jolie petite guerre), Marcelino Truong recule son curseur de quelques années et s’intéresse au conflit précédent. Pour cela, il a imaginé un héros malgré lui qui va se retrouver pris dans la tourmente. Narré à la première personne, 40 hommes et 12 fusils décrit au plus près ce qu’a pu endurer une bonne partie de la population durant cette période. Le programme est sombre et le ton grave, cela va sans dire. Ultra-documenté et désireux de ne laisser aucun détail de côté, le scénario s’avère dense et, malheureusement, sur-explicatif, voire redondant à plusieurs reprises. Résultat, la lecture se montre passablement fastidieuse ou étouffante. Devoir de mémoire et respect pour les innombrables victimes, Truong pense évidemment bien faire en étant le plus exhaustif possible. Seulement, à force de multiplier les anecdotes, les notes en bas de page et les exemples de l’absurdité idéologique, il écrase littéralement son récit.
Visuellement, le dessinateur alterne le chaud et le froid. D’un côté, la reconstitution est formidable de ressenti. Les insertions d’illustrations typées ethnologiques ou la reprise de dessins de propagande de l’époque apportent un réel plus. De l’autre, l’énorme quantité de texte au lettrage informatique sévère et un flottement dans l’encrage (cases trop «zoomées» ?) se font remarquer au détriment de l’ambiance globale. Là aussi, Truong a peut-être voulu trop en mettre pour être certain de dépeindre ces évènements tragiques dans leur totalité.
Implacable histoire sur la folie des hommes et le destin d’une nation, 40 hommes et 12 fusils est une œuvre impressionnante et un travail de mémoire admirable. Dommage que l’album pâtisse d’une réalisation fluctuante et d’une sur-écriture généralisée de son propos.
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