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n France depuis quinze ans, Madame Hibou porte un regard aiguisé sur son pays d’adoption si différent de son Indonésie natale. Entre les tics de langage, les coutumes bizarres et les croyances étranges, elle a de quoi s’étonner et s’amuser. Mais si elle peste contre ces Français toujours pressés ou qui, décidément, croient que tous les Asiatiques viennent de Chine, elle se réjouit aussi des belles couleurs amenées par l’automne, des pluies discrètes et de cette gastronomie qui ravit ses papilles. Ce doux péché lui fait d’ailleurs souvent oublier ces blind dates qui tournent si souvent court.
Revoilà la délicieuse figure marquante de Ma voisine est indonésienne. En effet, après le succès rencontré par le témoignage de ses rencontres avec cette drôle de dame, Emmanuel Lemaire (Rouen par cent chemins différents, Rotterdam. Un séjour à fleur de peau) livre une nouvelle série d’anecdotes tirées du vécu et des réflexions de « Madame Hibou ».
Détonnant avec sa doudoune rouge dans un paysage urbain (ou rural) gris, la native de Makassar n’a pas sa langue dans sa poche – bien qu’elle avoue se tenir coite face aux très loquaces Hexagonaux. Petites peurs et grandes craintes, superstitions de bon aloi, galère des transports en commun dont les retards sont devenus une habitude, relation aux animaux de compagnie, conventions lorsqu’il s’agit de payer l’addition ou d’inviter des amis à dîner, agrément engendré par les espaces verts publics… Tous ces menus sujets forment le fond de l’album et frappent par leur justesse relevée d’une pointe d’humour. Les relations interpersonnelles y sont également bien présentes, qu’il s’agisse des liens maintenus en visioconférence avec la famille vivant à des milliers de kilomètres ou des rencontres amicales et de voisinage. Quant à la cuisine, elle se glisse un peu partout, qu’elle vienne des antipodes ou soit locale. Elle procure un authentique réconfort à ce sympathique bout de femme. Les saynètes d’une ou deux planches se succèdent, amenant bien des sourires.
Croqués sur le vif, la principale protagoniste et ceux qui l’entourent se révèlent agréablement expressifs, même derrière les masques de la période « Covid ». Les décors ne sont pas en reste et s’avèrent bien travaillés. Toutefois, l’attention est surtout attirée et retenue par ces pointes de couleurs agrémentant les cases et apportant du relief à certains éléments, ainsi qu’une dose de gaité.
Proposant une vision de l'Hexagone sous un autre angle, La France vue par Madame Hibou offre un bon moment de détente, grâce à ses touches humoristiques bien senties et au bon sens d'un personnage attachant.
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