C
ela devait arriver. Les nombreux bouleversements climatiques ont eu raison de l'humanité. Passé cet effondrement terrestre, il faut repartir de zéro en évitant de commettre les mêmes erreurs. C'est le leitmotiv de la petite communauté de la Source qui s'est décidée à vivre chichement tout en étant encadrée par des règles strictes. Alors, quand une famille d'herboristes est retrouvée assassinée, ce sont ces fondations à peine installées et pleines de vertus qui s'écroulent. Contre son gré, Rachel, une ancienne fonctionnaire de police est toute désignée pour enquêter.
Une planète qui est arrivée à saturation et qui l'a vivement fait savoir à ses populations, une poignée de survivants qui ont - prétendument - retenu la leçon, un nouveau départ : de prime abord le pitch paraît usé jusqu'à la corde. Pourtant, Sylvain Runberg s'est donné les moyens pour sortir des sentiers battus et surprendre le lectorat en apportant de la fraîcheur et du dynamisme à un thème qu'il a eu lui-même l'occasion d'aborder dans deux de ses séries phares, Patriarchy et Les Dominants. Pour ce faire, il s'est entouré d'Olivier Truc et de Gaël Branchereau, deux journalistes de la presse écrite. C'est en conservant de nombreuses et solides ramifications avec le passé et le vécu des uns et des autres, tout en parvenant à incorporer quelques idées nouvelles que le trio est parvenu à élaborer une trame qui s'avère prenante au fil des pages. Les liens avec l'ancien monde sont bel et bien réels et contribuent à rendre le récit attractif et crédible. Sous le trait caricatural de Sébastien Tessier alias Damour (Nash, Le testament du Docteur M), les protagonistes se livrent sans aucune retenue pour donner vie à l'histoire et proposer une vision post-effondrement homogène.
Prévu en deux volumes, cet ouvrage d'anticipation qui coule de « Source » se déverse sur un public qui, compte tenu du contexte actuel, pourra aisément s'y projeter. Par ailleurs, les auteurs promettent de ne pas la tarir de sitôt puisque, et à court terme, l'héroïne est appelée à mener d'autres investigations dans le même environnement futuriste.
J'avoue avoir eu beaucoup de mal à accepter le postulat de départ de cette BD qui nous indique qu'un effondrement a eu lieu en France en 2028 sans doute peu après la prochaine élection présidentielle. On voit un monde post-apocalyptique se dessiner au printemps 2045 soit 17 après sans qu'on comprenne ce qui a amené à cette effondrement de la civilisation au point de revivre comme au Moyen-âge.
On fait la connaissance de la communauté de la source où à la fois la religion et l'autorité sont bannis. Certes, mais il faut des lois pour régir tout ce petit monde qui revient à une agriculture biologique. En effet, d'horribles meurtres sont commis au sein de cette communauté qui les privent de leur herboriste guérisseur. N'y a t-il pas parmi ce beau monde un vrai médecin pour les sauver de l'épidémie fatal de gastro-entérite ?
On va avoir droit aux jérémiades d'un ex-flic qui ne veut pas rejouer son rôle pour résoudre cette enquête et cela va durer sur au moins la moitié de ce premier tome. Par ailleurs, on quémandera l'aide d'une seconde herboriste mais qui va gentiment décliner l’invitation. Il faut dire qu'elle a été chassée après avoir tenté de tuer son violeur.
Bref, les faits se succèdent et ils sont pas vraiment croyables mais cela se prend au sérieux comme si de rien n'était. Bref, cette BD est comment dire, assez mal construite dans son intrigue même si elle essaye de faire la part belle à la psychologie de certains personnages clés. Beaucoup trop d'invraisemblance avec trop d'incohérences pour convaincre vraiment...
Il reste néanmoins de magnifiques planches qui mettent en valeur ce village un peu perché qui fait penser à Rocamadour avec ce côté médiéval. Les couleurs donnent véritablement du relief. On peut juste regretter un format d'édition plus petit que d'habitude qui ne met pas trop en valeur un dessin plutôt réussi.
Pour le reste, cela se laisse lire assez agréablement pour peu qu'on ne soit pas aussi regardant sur certains détails de ce récit catastrophique. Il faut parfois se laisser aller comme de l'eau qui coule d'une source...