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Chanson noire

09/06/2022 2134 visiteurs 7.0/10 (1 note)

F in des années 1970, Jeanine, écrivaine, hérite de la résidence familiale ; elle y emménage avec Daniel, bédéiste, et leur chienne Kally. Une inquiétante étrangeté émane du lieu. La maison, décrépite, est perdue au milieu de nulle part, même le vieil arbre devant le bâtiment apparaît menaçant. Et que dire de la cave qui terrorise le clébard ? Leurs voisins, au tempérament envahissant, se montrent également étranges. Le couple accepte néanmoins de participer à une fête organisée par les villageois à l’occasion d’une éclipse solaire.

Jeik Dion, avant tout connu comme illustrateur (Jardin mécanique, Aliss), signe son premier scénario et s’en sort très bien. Il demeure dans son domaine de prédilection, à savoir des histoires empreintes de violence, de mystère, de folie et de fantastique. Dans Chanson noire, il met en place un univers angoissant où les questions sont nombreuses et les réponses rares. Le lecteur n’est du reste jamais certain de comprendre où se termine la réalité et où commence le cauchemar. En toile de fond se lisent les tensions conjugales, les affres de la création et la quête identitaire autochtone. Peut-être le récit doit-il être interprété comme une allégorie de tout cela.

Les dialogues risquent d’étourdir les Européens. L’auteur a en effet fait le choix d’une langue vernaculaire un peu étonnante puisque les deux protagonistes sont des gens de lettres.

Le travail de l’artiste est singulier. Son trait, un peu brouillon et nerveux, fait l’objet d’un impressionnant bricolage, vraisemblablement à l’ordinateur : motifs semblables au canevas d’une toile, effet de ponçage, projections de gouttelettes, mais surtout une colorisation à l’aquarelle, souvent dans des tons d’ocre, et parfois de noirs bien sales. Les couleurs, brutalement disposées, accentuent le malaise dégagé par le livre.

Un excellent album où le créateur tire habilement toutes les ficelles utiles nécessaires pour déstabiliser le bédéphile.

Par J. Milette
Moyenne des chroniqueurs
7.0

Informations sur l'album

Chanson noire

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    Bibliorunner Le 16/05/2022 à 20:26:35

    Grosse sortie BD pour l’artiste et auteur BD Jeik Dion cette semaine. Grosse parce que les attentes l’étaient aussi après le sublime Aliss qui nous avait offert avec Patrick Senécal. C’est aussi les débuts d’auteur de Jeik Dion qui scénarise une première bande dessinée. Bref, grosse sortie !
    J’ai donc terminé tard dans la nuit d’hier ma deuxième lecture. La première, comme à mon habitude, je me laisse bercer par les dessins, par l’univers. Je laisse les images danser dans ma tête. Je laisse mon esprit pénétrer dans l’univers graphique que l’artiste me donne. La seconde, je rentre dans l’histoire. Je lis, j’arrête, je réfléchis, je reviens sur mes pas souvent avant d’avancer de nouveau. Bref, je vois l’ensemble de l’œuvre. Après, je peux en parler ! Dire mon ressenti, ce que j’en pense. Bon, ça reste toujours très personnel tout ça puisque la bande dessinée c’est de l’art.

    Pour commencer cet article correctement, je vais revenir sur une partie de celle d’Aliss que j’ai rédigée voilà déjà quelque temps : « Car, comme Bone et Chair, j’ai cherché l’âme de Jeik Dion dans cette BD et je n’ai trouvé que son cœur. Tel que Verrue, Jeik est arrivé à maturité. Il est temps pour lui de construire son univers. De nous présenter ses histoires, ses émotions, son âme. De voler de ses propres ailes et faire exploser son talent de créateur. Car c’est évident que ça bouillonne en lui ce désir. Il ne lui reste, maintenant, plus qu’à saisir l’élan qu’Aliss lui donnera, pour prendre la place qu’il mérite dans la BD, celle d’un grand créateur et dessinateur. »

    Voilà comment je voyais Aliss et comment je la vois toujours. Un cocon duquel la transformation de Jeik se complétait. Alors j’avais hâte de voir si cette transformation était réalisée. Hâte de voir si l’artiste allait nous permettre de rentrer dans son univers. Et je n’ai pas été déçu je dois l’avouer. Jeik Dion nous ouvre les portes de son univers pour une première fois et je lui dis merci. Il nous donne une étendue de ses qualités d’écriture qu'il double avec son talent de dessinateur, qui lui, est déjà reconnu comme exceptionnel.

    Nous sommes donc devant une BD qui reprend les thèmes aimés par l’auteur. L’horreur bien entendue, mais une subtile horreur ici très Lovecraftienne mais sans en copier le style. L’onirique également, car nous jouons tout au long de notre lecture sur la frontière du réel et l’irréel. Mais il nous montre aussi une partie de lui avec cette histoire qui tourne d’abord sur une relation instable entre un homme et une femme. En ce sens, il joue avec des idées très Stephen King ! Il situe son histoire dans un Québec campagnard de la fin des années 70. Une petite maison isolée de toute part, des voisins un peu bizarres, une ambiance sombre et inquiétante et des indices qui nous expliquent que ce petit village n’est peut-être pas aussi calme qu’il le semble. Les deux personnages principaux, Jeannine et Dan, essaient de se retrouver dans cet univers sans se perdre dans celui-ci qui cache bien des choses et cela à l’échelle cosmique ! Je ne peux en dire plus pour ne pas divulgâcher l’histoire.

    L’univers graphique que Jeik Dion nous est donne magnifique. Il fait encore honneur à sa réputation. Maintenant, il le fait dans son style à lui. Un style propre qui fait de lui ce qu’il est devenu comme artiste. C’est beau, c’est sale, c’est onirique, c’est bizarre, c’est intense, c’est orgasmique pour les yeux ! C’est un style qui colle très bien à son histoire. Mais là où l’artiste transcende son art cette fois c’est au niveau des couleurs qui magnifient son dessin à un niveau cosmique ! Ici, les couleurs parlent, nous racontent l’histoire. Un vrai travail de maître.

    L’auteur nous donne donc une première bande dessinée complète. Après Aliss c’est ce que je voulais mais j’ai été surpris de son choix ! J’espérais le voir plonger dans le cyberpunk mais ça, c’est purement personnel ! Alors oui Jeik Dion nous offre une bonne première BD qui démontre bien son talent de scénariste et le place parmi les grands dessinateurs. Talent qui ne fera que s’améliorer avec le temps. J’espérais qu’il nous donne accès à lui, j’ai été servi. Car je crois que cette bande dessinée est beaucoup plus personnelle que nous pouvons le voir à première vue. Et quelle fin! À lire et plusieurs fois d'ailleurs pour vous laisser plonger dans la tête de l'auteur!

    Chanson noire.
    Scénario, dessins et couleur par Jeik Dion.
    Éditions Glénat Québec.