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armi les énigmes de l'histoire de France qui ont fait couler beaucoup d'encre, celle de l'identité du captif au masque de fer arrive en tête. Nombreux sont les romanciers, les amateurs et les historiens à s'être penchés dessus tout en essayant de percer ce mystère, en annonçant parfois des hypothèses plausibles ou farfelues allant d'un freak au frère jumeau de Louis XIV (et pourquoi pas Bruce Wayne tant qu'on y est ?)
Dans ce dix-neuvième tome de la série l'Homme de l'année, Antoinette de Lornières offre un récit afin de répondre à cette question. Pour ce faire, elle remonte en 1682, au fort de Pignerol, tenu par Bénigne Dauvergne de Saint-Mars, un petit noble geôlier marqué par une forte ambition. Les lecteurs suivront la progression de cet homme, jusqu'à sa nomination à la Bastille en 1698, qu'il commandera jusqu'à sa mort en 1708. Saint-Mars a des prisonniers bien prestigieux, comme l’ancien surintendant des finances Nicolas Fouquet, des espions italiens, des libertins jugés dangereux pour la société. Lequel va passer à la postérité sous le masque ?
La construction du scénario bénéficie de beaucoup de soins et de précisions historiques, ce qui rend la lecture de cet opus fort appréciable. L'idée de suivre le directeur de prison sème le trouble par rapport au thème principal, mais pour mieux guider les lecteurs vers une fin qui rejoint la légende mentionnée en début de chronique. Ce qui est tout aussi habile que brillant intellectuellement.
Les dessins de Vladimir Aleksic ont la même qualité que le scénario : la rigueur ! Son style colle parfaitement au registre de l'enquête. Ce domaine, il l'a déjà pratiqué avec l'adaptation d'un Village français et sur la série uchronique Jour J. Autant dire que son appétence pour ce type de bande dessinée fait de lui un maître du genre. Les dessins sont détaillés, l'auteur évite toute pose ou cadrage pouvant figer ses personnages. De plus, un effort particulier est donné aux décors intérieurs et extérieurs, ce qui renforce l'ancrage dans une période. Le dynamisme qu'il arrive à insuffler dans les scènes d'action est un apport de qualité. Le talent du dessinateur est renforcé par la mise en couleur, signée Scarlett, l'une des pointures du milieu. La gamme choisie renvoie à l'imagerie du XVIIème siècle, avec un jeu de contraste en fonction des scènes, qui renforce le plaisir de la lecture.
Un très bel album de la série l'homme de l'année, tant au niveau graphique qu'au niveau scénaristique, qui propose une réponse concernant l'identité du masque de fer.
Cette version audio de la chronique vous est proposée par BLYND.
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