L'apparition

C rôaa, crôôôaa, crôaaaaaaaaa, …*

* Pour une meilleure compréhension des lecteurs, passons en version humaine, tous le monde n'étant pas doué pour les langues batraciennes, donc :

Il était une fois, un crapaud (c'est un très bon début !) qui rêvait de quitter sa mare, lassé de sa fonction basique de reproducteur. Sa rencontre avec une chanteuse du bord de l'eau va le transformer en prince charmant. Pressé de retrouver sa "princesse ailée", il part découvrir la ville, accompagné d'une petite reinette, bien bavarde, en guise de conscience, pour trouver l'Amour avec un grand "A"… Son apprentissage ne se fera pas sans détours ni désillusions…

Le mythe du prince charmant revisité en princesse charmante. Ayroles et Maïorana l'ont exploité de fort belle manière avec leur série Garulfo, en privilégiant le ton humoristique. Sibylle Titeux de la Croix et Mikhaël Allouche reprennent les mêmes codes avec l'envie de les tester : la vie humaine, la rechercher de la femme d'exception et la quête de l'amour idéal. Ici le ton est différent (et l'approche graphique également), plus axé sur la dénonciation des comportements de certains individus mais l'humour n'est pas totalement absent. Si quelques caricatures font à peine rire et si la diatribe du chien décrivant certaines pratiques de l'être humain, qu'il soit homme ou femme, est un rien longuette et lassante, l'ensemble prête souvent à sourire et s'attache à caricaturer l'homme de belle manière. Malheureusement, la conclusion est bien abrupte et laisse sur sa faim quant à l'analyse des comportements amoureux. Qu'en penser ? Etre animal reproducteur ou humain chasseur de cœur, quelle situation est la meilleure ?

Le graphisme de Mikhaël Allouche se classe incontestablement dans la catégorie "élevé à la Sfar-attitude matiné". Très à la mode en cette période favorable pour un jeune auteur désirant être édité. Le choix de l'auteur fait la part belle aux visages charismatiques et expressifs à l'opposé d'une image lisse et claire, que l'on peut apprécier ou non, telle que l'on peut le voir dans un album dit "classique". Le classique pouvant être amené à évoluer, rien ne laisse présager qu'il n'y aura pas de changement de catégorie dans l'avenir mais là n'est pas le débat. Les hachures sont légions, accroissant certaines ambiances austères de ruelles ou d'escaliers sombres. L'irrégularité du style est malheureusement préjudiciable à l'homogénéité du tout et le découpage n'est pas exempt de reproches, privilégiant souvent le gaufrier à six grandes cases au détriment du rythme.

Les ailes de la princesse ou la cuisse de la reinette, telle est la question… sans véritable réponse.