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uenos Aires, 2001. Pour éviter qu’elle reste vide, Rocio, étudiante de dix-neuf ans, est chargée par sa famille d’habiter la maison de Vilma, sa grand-mère récemment décédée. Contente de pouvoir gagner son indépendance à peu de frais, elle s’installe dans la demeure de cette parente qu’elle n’a finalement que très peu connue. Il faut dire que Vilma n’était pas une personne «facile». Arrivée enfant d’Italie, elle a connu de nombreuses épreuves et injustices tout au long de sa vie. Résultat, devenue aigrie, voire méchante, elle avait fait le vide autour d’elle. Replongeant dans ses souvenirs et découvrant des vieilles photos en vidant des placards, Rocio rassemble petit-à-petit les pièces du destin de cette aïeule esseulée et commence à réaliser qu’elle n’est pas si différente de celle-ci. Certes, l’époque a changé et les femmes ont acquis des droits et une certaine forme de respect, mais les difficultés sont encore bien réelles.
Saisissante somme auto-fictionnelle de plus de trois cents pages, Naphtaline offre un aperçu formidable du quotidien d’une femme argentine à travers le XXe siècle. Puisant directement dans sa propre expérience et celle des siens, Sole Otero retrace avec passion et tendresse ses origines, les relie au présent et tente même d’entrevoir le futur. Riche et parfaitement organisée, la narration virevolte entre le présent et le passé. Rocio, pleine d'énergie, de doute et d’espérance pour son avenir ne cesse de croiser et de recroiser le fantôme de sa mamie alors que le récit de l’existence de celle-ci se dévoile un peu plus à chaque chapitre. Le féminisme et l’évolution des mœurs sont évidemment prépondérants. Comment ne pas en parler tant le machisme et la religion ont marqué et continuent de marquer ce pays ? Le propos va cependant bien plus loin dans son développement et dresse un double portrait psychologique implacable de ses deux héroïnes.
Honnête avant tout, Otero ne cache rien des défauts et des qualités de ses personnages. Pas de chichi ou d’excuse, elle montre les errances et la duperie des gens, sans oublier, heureusement, les bons côtés de cette tribu hors-sol. Ils s’aiment, ça ne fait aucun doute, mais n’arrivent simplement pas à se le dire, ni à communiquer leurs peurs et leurs angoisses. Aucunement larmoyant pour autant, le scénario est même drôle par moments. L’autrice n’oublie vraiment rien de ce qui fait le sel de la vie : des grands et des petits malheurs, mais aussi des rires et énormément d’amour. Drame du déracinement, étude sociale détaillée, rappels politiques et un peu de grande Histoire au détour d’une case, la leçon de réalité est impitoyable. Le tout est raconté en images avec maestria et une inventivité formelle de tous les instants.
Saga familiale mâtinée de roman à tiroirs et d’introspection, Naphtaline est une bande dessinée totale à la mise en page savante et lumineuse. Impressionnante à tous les niveaux, Sole Otero impose son talent avec un mélange culotté de candeur et de malice. Un album à découvrir d’urgence.
Cela se passe à Buenos Aires. Une grand-mère meurt et sa petite fille, étudiante, prend possession de sa maison. Introspection et découverte de cette grand-mère inclassable, caractérielle et attachante, rythmeront le parcours de sa petite fille qui se cloître dans cette maison, un peu d'un autre temps. Elle découvrira le passé injuste de la vie de son aïeule, immigrée italienne, et finira par la comprendre.
Le thème pourrait être dur, mais non, c'est à la fois touchant et sensible sans tomber dans la sensiblerie. Le rythme du récit est enlevé, même si le livre fait 330 pages.
Le dessin, a priori pas ce que j'aime, est adapté et souvent inventif, la mise en page participant à la fluidité.
Une belle surprise.