C
haque jour, Charlie et Astrid se retrouvent sur la falaise, à la fois refuge et menace. En ce lundi, les deux adolescentes scellent un pacte de sang. « Hors du suicide, point de salut ». Elles ne survivront pas à leurs treize ans. C’est pour vendredi, l’envol, la chute, la libération. Charlie ne communique plus avec sa mère et n’accepte pas son « mec », dont elle refuse de prononcer le prénom. Entre deux sexes, pratiquant les arts martiaux, sa féminité s’exprime difficilement et sa part masculine se réduit à une violence physique incontrôlée. Astrid quant à elle, timide et vulnérable, plonge dans la lecture et l’écriture pour échapper à un monde qui ne lui convient pas.
Leur univers, c’est surtout le collège. Il ne s’agit pas de l’institution où se transmet le savoir et se développent les compétences, mais d’une micro société où le regard des copines transperce, où les insultes des garçons souillent. L’illustratrice Manon Debaye, dont La Falaise est le premier roman graphique, peint avec justesse le champ de bataille que peut être une cour d’école. Apparence, vêtements, marques, réputation, rumeurs, mensonges, médisances, moqueries, rapports de force, toutes les énergies négatives convergent vers celui ou celle qui n’est pas conforme, qui semble faible, qui est seul.e, dont le calme injurie la bêtise énervée de ceux que l’ennui pousse à maltraiter les autres. Au premier rang de ceux-ci, on trouve Enzo, creux, provocateur, méchant et injurieux, le type de personnage dont l’omniprésence dans l’œuvre de Stephen King a fait un archétype littéraire.
Il s’agit bien de harcèlement, de pression, de solitude au milieu de la foule de collégiens, d’une hostilité environnante constante qui amènera les deux amies à se battre, Charlie à dérouiller Astrid. Qu’adviendra-t-il alors du serment initial ? Entre deux épisodes au climat oppressant et sordide, la dessinatrice s’attarde sur la nature, nourrit son album de paysages et de certains détails évocateurs. Son trait, aux crayons de couleurs, sait s’évader du figuratif, composer ses planches avec originalité et instiller des éléments fantastiques. Des visions torpillent la triste réalité, la nature fait des siennes. L’insouciance des bois est vite troublée par un lapin mort ou des insectes nécrophages.
L'autrice livre avec La Falaise une œuvre originale, audacieuse et personnelle, sans héros ni héroïne, sans intrigue alambiquée, sans chercher à amuser ou à distraire. Elle pose sur le papier de rares mots et des images qui suintent la violence d’un microcosme où il faut être fort, ne pas s’afficher avec les « cassos », où « être là » est vécu comme une provocation. Les gens se regardent mais ne se voient pas, ne se parlent pas mais s’invectivent, n’échangent pas mais rivalisent. L’artiste, par contre, sait observer et écouter, un individu, un arbre, un mur. Beaucoup de souffrance et de peines sont déposées dans ces pages. Elles méritent considération.
La falaise commence par une impression de malaise à savoir le pacte de sang de deux adolescentes qui font le serment de mourir en semble par suicide. Cela traduit le mal-être de l'adolescence.
Il faut dire qu'Astrid est une fille harcelée au collège par son côté sérieuse et trop rangée. Charlie de son côté est une fille qui souhaite être un homme et qui donc ne s'accepte pas dans son corps. Bref, les raisons de mettre fin à leurs jours ne manquent pas. Leur devise commune : hors du suicide, point de salut.
Pour la petite histoire personnelle, quand j'ai emprunté cette BD à la médiathèque, je suis tombé sur un petit post-it rose glissé entre les pages où il était inscrit ces mots qui m'ont fait plaisir : « La beauté est partout. Garde ton esprit bien ouvert ». J'ai aimé car c'est comme un message d'espoir destiné à tous ceux qui veulent se suicider à cause du regard des autres.
Dernièrement, c'était le suicide par pendaison d'un jeune garçon victime d'homophobie et harcèlement scolaire. Il y a des marches blanches qui sont organisées afin d'alerter l'opinion publique. Ce type harcèlement a malheureusement toujours existé dans le milieu scolaire à travers les époques où l'on stigmatise celui qui est un peu différent. J'espère qu'on pourra un jour y venir à bout afin d'éviter tous ces drames.
Pour ce qui est de la BD, vous constaterez que le thème est plutôt délicat. Sans vouloir révéler la fin, je dirai qu'elle ne sera pas comme on s'y attend. Le message est tout de même présent mais en toute subtilité pour ne pas se transformer en une énième leçon de moral sur l'importance de la vie.
A noter un décalage frappant entre un dessin presque enfantin aux crayons de couleurs assez marqué et le sujet plutôt macabre et presque tabou. Oui, tout cela provoque une forme de malaise certainement recherchée par l'auteure Manon Debaye dont il faut noter que c'est la première BD.
Au final, une lecture qui nous tiendra en haleine jusqu'au bout de la falaise. Après, c'est le grand vide.
Belle entrée en matière sur des sujets pas simple mais je n’ai rien compris à la fin
Un épilogue pas top , on reste sur sa faim
Il faut aimer le dessin au crayon, ce one shot se lit en 15mins