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ntre deux intrusions dans un camps de réfugiés qui tient plus d'une prison, Rix, Chunk, Pêche et leurs amis ont une vie presque normale. Cours, petits boulots, histoire de cœur, soirées, tout pourrait aller pour le mieux si le climat social, les manifs et la menace terroriste ne les plongeaient pas dans l'angoisse et le doute. Surtout Caro, l'une des filles de la bande, qui baigne dans un état de nervosité inquiétant de plus en plus prégnant. Entre ses parents qu'elle ne supporte plus et l'état de la société, la jeune femme semble totalement à la dérive...
Si le titre annonce la couleur, le contenu tient toutes ses promesses ; car c'est bien par colère que l'héroïne avance. Dans un décor proche du chaos, Stéphane Hirlemann entraîne son lectorat dans une histoire déroutante. Celui-ci devra accepter d'avancer, un peu à l'aveuglette, sans trop savoir où l'auteur désire l'emmener. Porté par un trait semi-réaliste habillé de noir et blanc et de dégradés de gris, il découvre les angoisses que ce quotidien génère sur les protagonistes. L'ensemble apparait désordonné pourtant, grâce à une mise en scène énergique qui pète à la rétine et une véritable aisance graphique, les planches s'enchaînent avec curiosité et plaisir.
Caro déambule au milieu de l'injustice d'une société malade, de sa violence autant que de la vacuité de son modèle économique, mis en relief par les délires psychotiques auxquels elle est en proie. Et tant pis si parfois ils sont poussés à l'extrême au point de tourner à l'absurde. L'équilibre s'avère difficile à maintenir pour le scénariste toutefois, ces excès renvoient à ceux que ses personnages vivent et ressentent en évoluant dans un monde pas si éloigné que cela du nôtre. Une manière de pointer l'urgence ressentie et de questionner notre mode de vie. Cette dérive fantasmée, plus glaçante et déjantée que crédible et cohérente, peut sembler vaine, mais elle témoigne surtout des interrogations que suscitent des thèmes très actuels auprès d'une génération qui s'inquiète du sens que prend son univers.
Bouillonnant, barré, enragé, déroutant, frénétique... nombreux sont les mots qui viennent en tête après la lecture De Ira. Avec ce troisième titre en 2021 - le premier seul aux manettes -, Stéphane Hirlemann signe une entrée remarquée dans le neuvième art. De plus, au-delà des quelques défauts de jeunesse, cet album laisse entrevoir un auteur à suivre.
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